A- ARSENAL JURIDIQUE ENCADRANT LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES EN GUINÉE

La Guinée a entrepris ces dernières années, un vaste programme de réforme des finances publiques qui a abouti en 2012, à l’adoption d’une nouvelle loi organique relatives aux lois de finances (LORF 2012). Depuis, le cadre légal et règlementaire régissant les finances publiques se consolide progressivement avec des textes de références comme : – Règlement Général de Gestion Budgétaire et de Comptabilité Publique (RGGBCP) (2013)- Cadre de Gouvernance des Finances Publiques (2014)- Loi L/2017/056/AN du 8 décembre 2017, modifiant certaines dispositions de la Loi L/2016/075/AN du 30 décembre 2016, portant gouvernance financière des sociétés et des établissements publics, et son décret d’application adopté en Septembre 2018. La mise en œuvre opérationnelle est complétée par des textes et manuels élaborés par les ministères en charge des finances, du Budget et des ministères sectoriels :- Arrêté n°A/2015/965/MEF/SGG du 2 Avril 2015 portant plan comptable de l’Etat- Arrêté n°A/2014/5262/MEF/SGG du 9 octobre 2014 portant nomenclature budgétaire de l’Etat- Arrêté n°A/2017/5487/MEF/MB/SGG du 6 octobre 2017 fixant la nomenclature des pièces justificatives de la dépense publique- Arrêté conjointe n°2018/1095/MEF/MB/MPCI/CAB portant calendrier de préparation du budget de l’Etat- Instruction conjointe n°0003/MEF/MB/2017 du 12 avril 2017 fixant les délais dans la chaîne d’exécution de la dépense publique et organisant la production des états de suivi budgétaire – Circulaire n°0024/MB/CAB 11 janvier 2018 du Ministère du Budget sur le rappel des règles et procédures d’exécution du Budget de l’Etat- Circulaire n°0001/MB/CAB du 24 janvier 2019 sur la procédure d’exécution du budget général de l’Etat, exercice 2019 – Manuel sur l’élaboration du CDMT (en cours d’élaboration/ MB) – Manuel d’élaboration du plan d’engagement – Manuel de procédures d’exécution de la dépense publique – Manuel de procédures de contrôle financier – Manuel de procédures administratives et financières du Ministère de la Santé révisé (HFG/USAID 2018) – Guide de supervision des EPA – Décret n°D/133/PRG/SGG/2019 portant code des marchés – Décret n°D/2020/031/PRG/SGG portant création, attributions, organisations et fonctionnement des organes de passation des marchés publics et des partenariats public privé au sein des autorités contractantes – etc.

B- QUE VALENT LES INNOVATIONS INTRODUITES PAR LE PREFIP ( programme de réforme des finances publiques) ?

Les innovations introduites par ces textes, visent à moderniser et rendre plus transparent le système de gestion des finances publiques (procédures d’élaborations, d’exécution et de contrôle de l’exécution du budget).

En matière d’élaboration du budget, la Guinée a basculé dans un système de programmation budgétaire pluriannuelle qui offre une perspective à moyen terme quant aux grands agrégats de la politique budgétaire globale (recettes, dépenses, solde, financement) et aux priorités sectorielles.

Les travaux débutent par la vérification de la mise en cohérence des plans nationaux et politiques sectorielles (Plan Relance Intérimaire PRI et des Politiques Nationales Sectoriels.

C- LE MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE ET DU PLAN EN CHEF D’ORCHESTRE

Le ministère du Plan produit le cadrage macroéconomique qu’il transmet au Ministère du Budget. Ce dernier communique une note aux directions des Ministères du plan et des finances, leur demandant de fournir les informations nécessaires à l’enrichissement du CBMT et CDMT global, appelé document de programmation budgétaire pluriannuelle. Un avant-projet de cette programmation est soumis au Comité de Politique budgétaire pour discussions et validation. Ce projet issu des travaux précédents sera validé en conseil des ministres avant d’être soumis au débat d’orientation budgétaire de l’Assemblée Nationale ( CNT) (avant le 1e juillet).

Sur la base de ce document, la lettre de cadrage sera communiquée à compter de juillet, aux ministères sectoriels pour leur permettre de poursuivre le processus de préparation de l’avant-projet du budget et du CDMT. Cependant durant le 1e trimestre, le Ministère du Budget transmet la circulaire budgétaire qui cadence les échéances des travaux à effectuer et lui permet de piloter, de coordonner l’ensemble des travaux afin de produire le projet de loi de finances de N+1 qui sera déposé au plus tard le 15 octobre à l’Assemblée Nationale CNT.

En matière d’exécution du budget, plusieurs textes règlementaires ont permis l’évolution de la pratique budgétaire en terme de la fixation du délai d’exécution du budget, la création et/ou l’amélioration des outils tels que les outils de régulation budgétaire (plan d’engagement, plan de trésorerie, plan de passation des marchés), le plan comptable de l’Etat, la nouvelle nomenclature budgétaire, la nomenclature des pièces justificatives de dépenses publiques, les documents de suivi de l’exécution budgétaire (rapport d’exécution budgétaire).

Dès la promulgation de la LFI, les crédits alloués à chaque ministère et institution par la Loi de Finances font l’objet d’une répartition détaillée par décret.

Les ministres ordonnateurs veillent au maintien des crédits tels que notifiés dans le décret de répartition pour les services déconcentrés. Chaque ministre est tenu de notifier aux structures placées sous son autorité ou sa tutelle le montant des crédits ouverts en leur faveur dans la loi de finances, et de procéder effectivement aux délégations de crédits ou transferts des subventions correspondantes, sur une base trimestrielle et dans le respect des plafonds de régulation.

A la réception de la circulaire sur l’exécution du budget et l’arrêté portant plan d’engagement trimestriel, le Ministère a la possibilité de procéder à l’exécution budgétaire selon les procédures et phases adéquates. Le plan d’engagement trimestriel tient compte des dépenses obligatoires et inéluctables, du plan de passation des marchés, la saisonnalité des dépenses, la programmation des décomptes des marchés en cours d’exécution et les priorités des ministères.

D- QUI RÉDIGE LE BUDGET ?

Conformément à l’art 62 de la LORF, le ministre est l’ordonnateur principal des crédits de son ministère. Il peut déléguer formellement à des agents soumis à son autorité hiérarchique directe, on parle d‘ordonnateur délégué.

Afin d’élaborer le budget et l’exécuter, il dispose de services centraux, des services déconcentrés et des structures telles que les Organismes Publics Autonomes positionnés sur l’ensemble du territoire.Dans les services centraux du Ministère, le processus budgétaire est confié à plusieurs acteurs appartenant :

  1. a) Au Bureau de la Stratégie et du développement (BSD) principal responsable du suivi du cadre de performance et des indicateurs, de la mise en œuvre du PRI ( programme de référence intérimaire) et de l’élaboration du CDMT sectoriel et de son élaboration en association avec la DAF
  2. b) À la Division des Affaires Financières DAF, chargée de coordonner la confection de l’avant-projet de budget, d’exécuter des crédits notifiés pour l’année et organiser les dialogues de gestion avec la Personne Responsable des marchés publics (PRMP), le comptable des matières, les directions techniques, et les services déconcentrés ;
  3. c) À la Personne Responsable des marchés publics
  4. d) Au Contrôleur Financier sous l’autorité du Ministère des Finances

E- DIAGNOSTIC SOMMAIRE DU POOL FINANCIER DE L’ETAT ( volet dépenses)

Sans être exhaustif, on peut constater durant les 3 dernières années les difficultés suivantes :

1- Des taux d’exécution (base paiement) faible

2- Un manque de formation des services financiers des services déconcentrés qui se sont vu confié l’exécution des crédits déconcentrés (application des textes en 2020 sur la délégation des crédits)

3- une faible part allouée aux investissements

4- es difficultés de planification opérationnelle et budgétaire au niveau central, déconcentré/décentralisé

5- une mauvaise gouvernance des établissements publics placés sous la tutelle technique du Ministère.

6- une faible appropriation de la nouvelle nomenclature budgétaire (2014)

7- Des procédures de passation des marchés à maitriser et à accélérer

8- Des faibles capacités de gestion budgétaire et comptable dans les services centraux et les services déconcentrés (aussi bien la phase administrative que la phase comptable)

9- un contrôle interne à redynamiser tant du point de vue technique que financier (budget des missions à sanctuariser)

Pour ce qui concerne plus particulièrement les travaux budgétaires et comptable les constats suivants justifient les besoins en formation du personnel:

1- Une faible appropriation des textes et réformes en matière d’élaboration du budget et de son exécution (LORF, RGGCP…) et du cycle budgétaire en général

2- L’amélioration de la maitrise des outils budgétaires et de suivi de son exécution (notamment le CDMT sectoriel, plan engagement, de trésorerie, passation des marchés…) de l’ensemble des services et plus particulièrement les structures non financières du Ministère

3- Le respect du calendrier de préparation du budget de l’Etat conformément à l’instruction conjointe 2018 portant sur ce calendrier

4- La concertation autour des travaux de préparation de l’avant-projet de budget ;

5- La consolidation de l’organisation de la collecte des informations financières et budgétaires alimentant l’avant-projet du budget du Ministère et le suivi de l’exécution ;

6- La faible maitrise de la procédure d’exécution des crédits au niveau déconcentré (maitrise de la délégation de crédits et l’utilisation et la justification des fonds)

7- L’amélioration du système de remontée des données financières au niveau central à partir des informations des services déconcentrés et des EPA;

8- L’amélioration de la visibilité sur les impacts de la régulation budgétaire (la tension sur la trésorerie de l’Etat, l’indisponibilité des fonds, et…)

9- La mobilité du personnel et l’absence d’organisation d’une formation initiale et/ou formation continue…

Sources: Expertise France, UE, MEFP, MB, BM, FMI, MOCAM CONSULTING …

 

Mohamed CAMARA

Économiste Consultant

Associé Gérant du Cabinet Conseil MOCAM CONSULTING