Je suis scandalisé, révolté, offusqué et même indigné. Évidemment, ces mesures conservatoires publiques contre les Ministres du Gouvernement Goumou équarrissent gravement l’image du pays. Avant eux, d’autres personnalités, notamment des anciens dignitaires avaient tristement subi le même sort. L’Etat guinéen va-t-il éternellement continuer à humilier et maltraiter ceux qui, à un moment donné, l’incarnent ? À qui prochainement le tour ? Trouvez-vous cela normal ? D’ailleurs, les membres du Gouvernement Goumou trainent-ils tous des casseroles pour mériter ensemble de tels traitements ? Même si tel était le cas, méritaient-ils réellement de telles humiliations ?

 

Indignons-nous; condamnons la manière dont ces mesures conservatoires ont été prises contre ces Ministres. La politique de l’humiliation de l’ancien chef est entrain progressivement d’être construite dans le pays. Elle s’érige peu à peu en règle, en pratique. Tout le monde doit se sentir anxieux face à tout ce qui arrive aujourd’hui à notre patrimoine commun. À l’allure, tous les hommes de valeur se méfieraient de travailler pour l’Etat guinéen, par peur d’être humilié un jour.

 

Non, il n’y a rien à célébré dans ces mesures conservatoires. Personne ne devrait se réjouir, car on aurait pu procéder autrement sans humilier personne. Oui, nombre de guinéens avertis ne comprennent en aucune manière ces démarches martiales et cavalières, ces mesures conservatoires publiques contre ces Ministres. Était-il réellement nécessaire de rendre public ces mesures conservatoires ? Ne pouvait-on pas les signifier aux Ministres dans la plus grande discrétion et dans le respect de leur dignité ? A-t-on réellement pensé à toute l’angoisse que cela pourrait faire dans les familles des concernés ?

 

Dans l’attaque du Capitole menée, le 6 janvier 2021, par les partisans de Donald Trump lors des contestations des résultats de l’élection présidentielle américaine de 2020, l’ancien Président américain a été poursuivi pour son rôle présumé dans cet assaut contre le siège du parlement américain. Malgré les faits graves et regrettables reprochés à Donald Trump, les autorités américaines continuent de le traiter avec honneur et dignité. L’État américain ne fait pas cela parce que l’ancien Président américain s’appelle Donald Trump. Il le traite ainsi parce qu’il a incarné, à un moment donné de l’histoire, les États-Unis.

 

Malheureusement, chez nous ici, la culture de l’humiliation de l’ancien s’insère de plus en plus dans nos valeurs sociétales. Personne n’est dorénavant à l’abri. Oui, tout le monde peut en être victime. A l’allure, on risque de construire une République d’éternels frustrés. Pauvre Paradis !

 

Une fois encore, indignons-nous. Ce ne sont pas les Ministres du Gouvernement Gomou qu’il faut voir aujourd’hui, mais l’image que le traitement qu’on leur a infligé renvoie notamment à l’international. Quel que soit ce qu’on pourrait leur reprocher ou reprocher à certains parmi eux, ils ont quand même incarné le pays à un moment donné. Ne serait-ce qu’à cause de cela, on aurait pu leur éviter l’humiliation qui leur a été infligée. On n’en avait vraiment pas besoin.

 

L’ancien Président du Bénin, Monsieur Hubert Maga, disait ceci : « Il n’existe que des intouchables de l’instant, des timoniers du temps, des maîtres du moment. Le temps est le maître de tous les maîtres. Il faut rire de tout. Mais devant les grandes décisions de la vie, réfléchissez à hier et pensez à demain. Parce que la nature, dans sa comptabilité, est incorruptible et aucune facture ne restera impayée. La nature est juste.»

 

Du reste, les Ministres du Gouvernement Goumou, tout comme tout guinéen d’ailleurs, ne méritent pas de telles situations saumâtres et humiliantes. L’Etat guinéen aurait pu procéder autrement afin de préserver leur honneur et dignité. Ça n’arrive pas qu’aux autres.

Sayon MARA, Juriste