La presse des États-Unis ne titre pas véritablement sur l’investiture de Joe Biden. S’il est bien présent en Une du Washington Post et du New York Times, aux côtés de sa vice-présidente Kamala Harris, c’est sur des photos prises hier lors de l’hommage national aux 400 000 Américains victimes du coronavirus. Des photos nocturnes, avec en fond le Lincoln Memorial éclairé, pour une cérémonie qui selon le Washington Post a donné le ton de l’investiture de ce mercredi : « Plus dans la solennité que dans la jubilation ».
De fait, si ce jour marque l’arrivée de Joe Biden à la Maison blanche, la majorité des quotidiens se concentrent surtout sur Donald Trump : « President Donald J. Trump : The End », titre dans un éditorial le New York Times. Le quotidien publie par ailleurs sur son site une infinie « liste complète des insultes de Donald Trump sur Twitter, 2015-2021 », un titre en forme de pierre tombale et de résumé pour le journal de la présidence du milliardaire. Dans le même ordre d’idées, leBoston Globe titre sur « Trump, officiellement le président le plus impopulaire depuis l’apparition des sondages dans les années 30 », et assène : « cela sera pour toujours son héritage ».
Un héritage encore assombri à en croire le New York Timespar les grâces présidentielles dont la liste a été communiqué hier. Des grâces toutes décidéespar Donald Trump « en personne » insiste le très Trumpien New York Post. Des grâces qui selon le New York Times « soulignent le nombre de ses proches associés et partisans se sont retrouvés piégés dans des affaires de corruption et autres problèmes judiciaires, et montrent la volonté de Donald Trump d’utiliser son pouvoir pour les aider ».
« Trump va tout faire pour pirater l’investiture de Joe Biden »
Mais cette omniprésence de Donald Trump à la Une des médias doit cesser, selon l’éditorialiste du Los Angeles Times Mary McNamara, qui lance un appel à ses collègues journalistes sous le tire : « Trump va tout faire pour pirater l’investiture de Joe Biden. Ne le laissez pas faire ». « Depuis qu’il est devenu clair que Donald Trump a perdu la présidentielle », estime la journaliste, « il fait tout pour que son nom continue de faire la Une ». Mais dans quelques heures lorsqu’il ne sera plus président « nous n’aurons plus besoin de nous pencher sur la moindre de ses pensées »…
Le New York Post semble avoir suivi ce conseil. Et c’est d’ailleurs le paradoxe : la majorité de la presse, de sensibilité démocrate, parle de Donald Trump, et le Trumpien New York Post se concentre sur Joe Biden et les démocrates… pour évidemment les écharper dans une série d’articles fustigeant « une gauche qui n’est pas moins folle parce qu’elle est arrivée au pouvoir », la décision de Joe Biden d’arrêter le projet de pipeline avec le Canada – qualifiée de « folie » et « d’insulte envers les alliés des États-Unis » par le tabloïd, et le chef des républicains au Sénat, Michel McConnel, qualifié de « traitre » parce « qu’il a accusé Donald Trump d’être responsable de l’assaut mortel sur le Capitole », rappelle en Une le Financial Times.
Un pays « fragile »
La presse se penche quand même sur l’investiture de Joe Biden : le Boston Globe donne le programme, du départ tôt le matin de Donald Trump de la Maison Blanche aux célébrations virtuelles de la soirée, avec, note le Washington Post, toutes ces vedettes qui depuis quatre ans avaient déserté les scènes new-yorkaises et qui sont maintenant de retour : Lady Gaga, Jennifer Lopez, Bruce Springsteen…
Le Los Angeles Times, qui titre sur « l’angoisse et l’espoir des américains alors que Joe Biden se prépare à prendre ses fonctions », rappelle qu’aux États-Unis « les investitures ont souvent eu lieu avec en toile de fond des évènements considérables : la Guerre civile, la Grande Dépression dans les années 30, la guerre du Vietnam, la lutte pour les droits civiques. » Le journal a interrogé des Américains à travers tout le pays, du désert du Nouveau Mexique à la ville de Phoenix en passant par Sacramento. En Floride, une étudiante afro américaine de Floride se demande, en référence à la mort de George Floyd l’an dernier, « si il arrive enfin, ce moment tant espéré où l’on pourra respirer un peu plus, et un peu plus facilement ».
Si « Biden a promis un retour à la normal, la tâche sera gigantesque », semble répondre le Boston Globe. Car estime leWashington Post, en ce jour d’investiture le pays est « fragile, un mot que l’on n’associe pas habituellement avec les Etats-Unis. Fragile comme un œuf : notre économie, le ressenti que nous avons de notre sécurité, notre conscience collective. Fragile comme une gâchette : l’insurrection provoquée par la colère et les fantasmes, une pandémie hors de contrôle ». Et l’éditorialiste de conclure : « Admettons-le, et installons-nous un nouveau type de direction qui s’appuie sur la compétence, la science, et un service désintéressé ».
RFI