Avec le départ du président Mahamadou Issoufou, qui ne tentera pas comme d’autres chefs d’Etat l’aventure d’un troisième mandat, le Niger donne un exemple de démocratie. Malgré tout, les arrestations de dirigeants de la société civile ou l’éviction d’un opposant de la présidentielle du 27 décembre, nuancent le tableau.

« Je respecterai scrupuleusement les dispositions de la Constitution de la République du Niger (…) Mon désir le plus ardent est de passer le pouvoir en 2021 à un successeur démocratiquement élu, ce sera ma plus belle réalisation, ce sera une première dans l’histoire de notre pays », a affirmé le président Mahamadou Issoufou.

Le Niger, pays à bas revenus, marqué par de nombreux coups d’Etat, n’a jamais vu deux présidents élus se succéder depuis l’indépendance en 1960. La décision d’Issoufou de se retirer volontairement est une première pour le pays, et presque une exception en Afrique.

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« Vous êtes un exemple pour la démocratie », avait déclaré le président français Emmanuel Macron sur Twitter, après une visite présidentielle à Niamey, alors que de nombreux présidents africains prolongent leur bail au-delà des deux mandats.

Les exemples les plus récents sont la Côte d’Ivoire et la Guinée, deux pays de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) dont le Niger fait partie. Dans les deux pays, les présidents Alpha Condé et Alassane Ouattara ont contourné la règle des deux mandats maximum grâce à des changements dans la Constitution. Si la décision d’Issoufou a été globalement saluée dans son pays comme à l’étranger, des adversaires restent sceptiques, dénonçant la permanence au pouvoir de son parti.

« Lui-même Issoufou avait dit qu’il est difficile au Niger de faire un troisième mandat et que celui qui le tente sait ce qu’il risque. Donc, il ne fait pas un troisième mandat parce qu’il ne le veut pas, mais parce qu’il n’a pas le choix », estime Bounty Diallo, ex-militaire et enseignant à l’université de Niamey, faisant allusion au coup d’Etat de 2010, qui avait vu l’armée renverser le très populaire président Mamadou Tandja, désireux de faire un troisième mandat.

« Les élections vont avoir lieu au moment où elles doivent avoir lieu, dans le respect de la Constitution et avec, je pense, la mobilisation et la transparence nécessaire. Je crois que la qualité de l’élection au Niger sera une référence pour toute l’Afrique », a estimé le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian.

Ombres au tableau

L’ancien premier ministre et ancien président du Parlement Hama Amadou, 70 ans, considéré comme un sérieux concurrent, a été écarté de la course à la présidentielle par la Cour constitutionnelle en raison de sa condamnation en 2017 à un an de prison dans une affaire de trafic de bébés. Il a qualifié sa condamnation de politique et bénéficié en mars d’une grâce présidentielle alors qu’il purgeait une peine de 12 mois de prison.

Le pouvoir rétorque que la justice, qui a condamné une vingtaine de personnes dans cette affaire, a fait son travail de manière indépendante et que l’épouse de Hama Amadou faisait partie des femmes accusées de « supposition d’enfants », un délit consistant à attribuer la maternité d’un enfant à une femme qui ne l’a pas mis au monde. Toutes ont été condamnées pour avoir participé à un trafic de bébés qui auraient été conçus au Nigeria puis amenés au Niger via le Bénin.

Autre ombre, les arrestations fréquentes de membres de la société civile. Si ceux-ci sont régulièrement remis en liberté après quelques jours ou mois, il y a comme une épée de Damoclès au-dessus des activistes.

« Pour nous c’est malheureux qu’Issoufou, en qui on avait cru, se soit comporté ainsi. Pour nous c’était le démocrate modèle mais dans la pratique… Il n’y a jamais eu autant d’arrestations d’acteurs de la société et politiques. Même les précédents présidents militaires, comme Mamadou Tandja n’en ont pas fait autant en matière de déni de justice et d’interdictions de manifestations », estime Ali Idrissa, figure de la société civile nigérienne.

Reporters Sans Frontières avait déploré en juillet « un grave recul » de la liberté de la presse au Niger, après deux arrestations de journalistes en raison de leurs publications sur l’épineuse affaire des surfacturations d’achats d’équipements militaires.

AFP