Au titre de l’article 38 de la Charte, le Président de la transition (…) « dispose du pouvoir réglementaire et peut prendre des ordonnances ». Cette disposition appelle quelques commentaires.

 

Tout d’abord, l’article 38 de la Charte ne définit pas formellement le régime des ordonnances. Ensuite, il ne détermine ni le champ matériel ni les modalités de l’habilitation législative (CNT).

 

Enfin, la Charte ne définit pas le domaine de la loi. Elle ne permet donc pas formellement de savoir les limites du pouvoir réglementaire du Président du CNRD ; l’article 57 de la Charte s’étant limité d’une part à attribuer au CNT la responsabilité exclusive de l’élaboration du projet de Constitution, d’autre part, à faire référence à l’adoption des lois sans en indiquer les domaines.

 

Pour ces raisons, l’article 38 de la Charte doit être lu en harmonie avec l’article 83. Suivant ce dernier, « jusqu’à la mise en place des organes de la transition, le Comité national du Rassemblement pour le développement (CNRD) prend des mesures nécessaires au fonctionnement des pouvoirs publics, à la vie de la nation, à la protection des citoyens et à la sauvegarde des libertés ».

 

Relevons d’emblée sur cet aspect que si le CNRD est, en vertu de l’article 37 de la Charte, « l’organe central de définition et d’orientation stratégique de la politique économique, social, culturel, et de développement du pays », ses membres – sous réserve de son Président et, implicitement de quelques uns de ses proches au sens fonctionnel du terme – ne sont pas encore connus ; la référence à sa composition en « des éléments de forces de défense et de sécurité ne suffisant pas.

Au surplus, l’article 83 de la Charte ne détermine pas la nature (délibérante ou non) du CNRD. Ainsi, l’absence de détermination de sa composition, le pouvoir de prendre toutes mesures nécessaires au fonctionnement des institutions, à la sauvegarde des droits et libertés (…) conféré par l’article 83 de la Charte au CNRD est de facto exercé par le Président et des membres connus de celui-ci.

 

La question qui, au regard de ces considérations, se pose est celle de savoir, par quels actes le Président du CNRD prend-t-il « des mesures nécessaires au fonctionnement des pouvoirs publics, à la vie de la nation, à la protection des citoyens et à la sauvegarde des libertés » ? Les prescriptions de la Charte permettent de répondre à cette question de la manière suivante :

 

1. Par décret, conformément à l’article 38 de la Charte ;

2. Par ordonnance, conformément à l’article 38 de la Charte. Sur ce dernier aspect, à la lecture de la Charte, et en l’absence de référence explicite au régime de l’habilitation législative, avant la mise en place du CNT, les mesures adoptées par voie d’ordonnance ne requéraient pas, en vertu de la Charte, d’habilitation législative.

 

➢ Le fait que les institutions créées, les mesures adoptées par cette voie aient déjà produit de très grandes conséquences sur l’ordonnancement juridique accrédite cette interprétation.

 

➢ La ratification requise ex post est donc strictement déterminée par des considérations symboliques de légitimation du processus normatif ; ce qui n’est pas sans intérêt symbolique dans un Etat qui a une vocation démocratique.

 

Sinon, en général, c’est parce que l’organe législatif (CNT) est saisi ex ante pour des raisons d’habilitation (suivie de détermination du champ matériel et du temps de l’habilitation) qu’il serait saisi ex post pour ratification.

 

Jean Paul KOTÈMBÈDOUNO (KO-TÈM-BÈ-DOU-NO)

Membre du Conseil National de la Transition (CNT)

Rapporteur de la Commission Lois, Constitution, Administration publique, Organisation judiciaire