Il était une fois un roi qui, un jour, demanda à ses sujets de tuer leurs pères. Il ajouta que ceux qui n’exécuteront pas ses ordres seront mis à mort. Craignant pour leurs vies, tous les habitants du royaume s’empressèrent, à leurs corps défendant, de commettre l’acte odieux de parricide ordonné par leur chef.
Cependant, l’un des habitants décida, au lieu de tuer son père, de le cacher dans un endroit secret quasi inaccessible au public.
Quelque temps après, le même roi convoqua ses sujets pour leur confier une mission impossible : « Construisez- moi, leur dit-il, une maison suspendue entre ciel et terre ! » Il menaça encore une fois ses sujets de leur faire subir la peine capitale s’ils tardaient à exécuter ses ordres. Les habitants du royaume ne savaient que faire, car il s’agissait d’une tâche irréalisable.
Le Roi fixa une date pour la réunion au cours de laquelle il comptait demander à chacun de ses sujets de se prononcer sur le projet royal. Entre temps, le citoyen qui avait caché son père, s’en alla expliquer à celui-ci la situation et lui demanda conseil. Ce dernier lui indiqua une question préalable à poser au roi, avant le lancement des travaux.
Le jour de la grande assemblée, le roi arriva sur son cheval blanc et s’installa sur son trône somptueux entouré de farouches guerriers prêts à exécuter, sans réfléchir, tous les ordres de leur Maitre et Seigneur. Il prit la parole et réitéra de façon solennelle ses desiderata. A la fin de son discours, il demanda si un de ses sujets voulait prendre la parole. Tous baissèrent la tête sauf un ! Celui qui avait épargné son père !
Il se leva et fit la déclaration suivante : « Honorable et Vénéré Roi, nous sommes tous à votre disposition nuit et jour, prêts à vous obéir et à exécuter tous vos ordres. Le projet de construction de la maison située entre ciel et terre, nous sommes prêts à commencer les travaux dès que vous nous donnerez le plan de la maison ! »
A ces mots, le Roi fixa l’orateur d’un regard à la fois inquisiteur et admiratif, avant de l’interpeller en ces termes “Toi, tu n’as pas tué ton père. Amène-le-moi”. Le roi prit le père et le fils et les garda à ses côtés comme conseillers.
Quelle est la morale de l’histoire ? Les jeunes ont toujours besoin des Ainés, des Vénérables Anciens qui, au cours de leur longue vie, ont accumulé une riche expérience, et maitrisé des expertises et savoir-faire qu’on n’apprend pas en classe , mais à la dure et difficile école de la vie. Ne dit-on pas que l’école a ses élèves et la vie ses hommes ?
Nous sommes très heureux aujourd’hui de voir les jeunes nommés à des postes importants pour leur permettre de se préparer à prendre la relève. Beaucoup d’entre eux ont fait de bonnes études et sont bardés de diplômes des plus prestigieux. Mais sont-ils prêts à s’attaquer aux racines du mal ? Sont-ils bien préparés à faire une auto-analyse afin d’établir un nouveau contrat social ? Auront-ils le temps d’identifier le cancer qui nous ronge et dont les métastases commencent à envahir nos corps meurtris ?
Toute dictature laisse dans son sillage les séquelles de la gouvernance qu’elle a exercée d’une main de fer pendant son règne. Celle que nous avons connue ces dernières années a systématiquement violé les droits des citoyens, entraînant des centaines de morts et des milliers d’exilés.
Un travail de fond est indispensable pour faire l’état des lieux. Faire le diagnostic des facteurs ayant gangrené les rouages de l’administration. Rétablir les liens brisés entre les différentes communautés et réfléchir sur ce que le pays va être dans les décennies à venir, pour pouvoir proposer un certain nombre de solutions susceptibles d’être répertoriée sur la liste des thérapies à administrer.
Il faut donc à tout prix éviter les divagations des acteurs de la transition. Une transition est là pour une durée déterminée. Elle n’est donc pas faite pour apprendre. L’équipe chargée d’asseoir les bases d’une bonne démocratie n’a pas le temps d’apprendre. Elle doit être outillée pour déminer le terrain qui sera occupé par des acteurs sociaux élus.
Adama Doukouré