C’est un inédit dont fait face la justice guinéenne. Depuis plus de neuf mois, le coordinateur national du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), Oumar Sylla alias Foniké Menguè et Ibrahima Diallo sont détenus à la maison centrale sans jugement, est devenu une épine dans les pieds des magistrats.

Interrogé ce lundi 1er mai 2023, chez nos confrères de la radio FIM FM, dans l’émission le ’’Mirador’’, l’ancien bâtonnier du barreau de Guinée, Me Mohamed Traoré en veut plutôt aux magistrats qu’au ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright. À en croire, Me Mohamed Traoré regrette l’attitude des magistrats guinéens, malgré l’aveau d’échec manifesté quelques jours après la prise du pouvoir par le CNRD.

 

« Quand je vois ce qui se passe actuellement dans le traitement de certains dossiers judiciaires, je suis très mal à l’aise et je suis terrifié. J’ai un sentiment de frustration par rapport à tout ce qu’on a connu il y a moins de deux ans. Il vous souviendra qu’après le 5 septembre, des magistrats ont clairement dit qu’ils étaient sous pression, qu’il y avait beaucoup d’immixtion dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire et se sont engagés à faire peau neuve et de regagner la confiance des justiciables. Mais lorsqu’on voit ce qui se passe actuellement, on a l’impression que rien n’a changé et l’impression que, parfois, la justice est utilisée comme un instrument pour faire taire les gens. Je me rappelle que lorsque Foniké Menguè a été arrêté pour la deuxième fois, nous sommes allés au parquet de Dixinn pour demander à ce qu’on programme le dossier pour jugement. Ils nous ont dit carrément que le dossier ne pouvait pas être jugé avant la tenue du référendum et des élections législatives. Lorsqu’on regarde aujourd’hui ce qui se passe, on a l’impression que c’est la même chose qui se passe actuellement. Lorsqu’on a besoin de mettre hors d’état de nuire un certain nombre de personnes, on passe par la justice pour qu’elle entre en jeu. Je pense que tout cela n’est pas bon l’image de la justice de notre pays. En tant qu’activiste des droits de l’Homme, on ne peut être que déçu. On ne pouvait pas imaginer que tout ce qui a été fait comme mea-culpa, on pouvait encore tomber dans ce genre de situation », a-t-il déclaré. Avant d’interpeller les magistrats de faire preuve de responsabilité dans leur travail.

« Au départ, ce dossier comportait un litanie d’infractions. Mais à un moment donné, le magistrat instructeur a pris son courage à deux mains et n’a retenu que quelques deux ou trois infractions. Je vous dis clairement : je n’en veux pas au ministre de la justice, je n’en veux pas à l’exécutif de façon générale. J’en veux aux magistrats qui ne prennent pas leur responsabilité. Qu’est-ce qui a fait la notoriété du ministre Charles Wright, c’est parce qu’à un moment, il a pris le courage de rendre ses décisions en toute indépendance, en refusant toute sorte de pression. Qu’un magistrat rende une décision et qu’il soit suspendu ensuite à cause de cette décision, je pense que ce sont tous les défenseurs des droits de l’Homme qui vont prendre sa défense. Pour l’instant, on n’a jamais entendu un magistrat dire qu’il a pris une décision et qu’il a été sanctionné par la suite. Il appartient aux magistrats eux-mêmes de faire en sorte que l’indépendance de la magistrature soit une réalité. (…). Il est encore temps qu’elle nous donne la preuve qu’on peut lui faire confiance, il n’est pas tard », a-t-il laissé entendre.

 

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