Deux versions de la CEDEAO s’opposent désormais en Afrique de l’ouest, celle des peuples et celle des chefs d’Etat et de gouvernement. La première version s’élève contre l’incurie et les pratiques antidémocratiques (corruption généralisée, manipulation des constitutions, musèlement de la presse, restriction des activités des partis politiques, arrestations arbitraires des leaders d’opinion, etc.) des gouvernements qui se croient tout permis sur leurs peuples.
La deuxième version quant à elle s’organise en un syndicat de chefs d’Etat, prêt à bloquer et à inhiber toute volonté de changement voulue par leurs peuples. Par manque d’alternative, l’arbitrage entre ces deux versions est fait par l’armée, comme au Mail et en Guinée.
Redoutant l’extension de l’arbitrage militaire dans certains pays boiteux de la CEDEAO, le syndicat de chefs d’Etat et de gouvernement est à pied d’œuvre pour infliger des sanctions aux forces armées qui ont fait irruption sur la scène politique pour conduire la transition vers un régime civil. Après la suspension de la Guinée de toutes les instances de la CEDEAO au lendemain du coup d’Etat, les dernières injonctions adressées à ce pays sont tombées hier, 16 septembre. Elles exigent en substance la tenue des élections dans 6 mois. Ces injonctions comportent visiblement les traces des chefs d’Etat qui craignent pour leur propre sécurité pour avoir eux-mêmes modifiés la constitution de leur pays dans le but de se maintenir indéfiniment au pouvoir. Mais aussi les traces de ceux qui veulent se lancer dans la même aventure.
En ce qui concerne la Guinée, ces injonctions sont à la fois irréalisables et anachroniques. Elles se situent à mille lieues des aspirations démocratiques des populations, et surtout de leur volonté de normaliser la gestion du pays. Pour nombre de guinéens, ces injonctions sont complétement ridicules, et montent à quel point, la CEDEAO d’en haut méprise la CEDEAO d’en bas. Elles traduisent aussi l’ignorance d’une leçon d’histoire: dans la lutte pour la démocratie, le dernier mot est toujours revenu au peuple, le « démos ».
Youssouf SYLLA