La presse indienne se fait ce lundi l’écho d’un nouvel accrochage entre les troupes indiennes et chinoises, le long de la frontière himalayenne qui sépare les deux pays à plus de 4 000 mètres d’altitude. Il y aurait des victimes dans les deux camps. La Chine affirme ne pas être au courant. Ces affrontements interviennent alors que la situation entre les deux pays est très tendue ces derniers mois.

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Les derniers affrontements avaient commencé en mai dernier, et avaient fait au mois de juin 20 morts côté indien et des victimes également côté chinois, dont Pékin n’avait cependant pas donné de bilan. Ces combats avaient également eu lieu dans la région du Ladakh, sur la « Ligne de contrôle effectif », la frontière entre les deux pays, qui date de l’indépendance indienne en 1947.

Les deux pays ne sont toujours pas d’accord sur certains points du tracé, ce qui explique la forte présence militaire des deux côtés et des escarmouches plus ou moins graves. En 1962 déjà, une guerre éclair avait éclaté entre l’Inde et la Chine. Elle s’était soldée par une défaite humiliante pour New Delhi  qui ne l’a toujours pas digérée.

Depuis la mort de quatre soldats indiens en 1975, les deux puissances nucléaires se sont mises d’accord pour ne pas utiliser d’armes à feu sur cette frontière. Cela n’empêche pas les soldats de s’affronter, et violemment. En juin dernier, ils l’ont fait à coups de pierres, de poings et de gourdins. Des soldats étaient aussi tombés dans le vide. Bilan : des dizaines de morts, le plus lourd depuis 1967. Au mois de juillet le Premier ministre indien Narendra Modi s’était rendu dans la région himalayenne pour remonter le moral de ses troupes.

Une présence militaire renforcée

Plusieurs dizaines de milliers de soldats se font maintenant face de chaque côté de la frontière. L’Inde a pris des mesures de rétorsions économiques, interdisant l’utilisation de plus de 200 applications chinoises, parmi lesquelles le réseau social d’échange de vidéos Tik Tok – dont l’Inde était jusque-là le plus gros consommateur au monde. New Delhi a aussi gelé la participation de compagnies chinoises comme Huawei à des contrats pour la téléphonie 5G, bloqué des marchandises chinoises dans des postes douaniers ou des ports.

De son côté, Pékin a menacé l’Inde de prendre elle aussi des mesures de rétorsions économiques. En attendant, en septembre dernier, le bruit a couru que cinq porteurs indiens avait été enlevés par des militaires chinois le long de la frontière. Une quarantaine de marins indiens ont, eux, été bloqués pendant des mois dans un port chinois, officiellement pour des raisons de sécurité sanitaire dues au Covid-19. Depuis l’an dernier, les pourparlers de désescalade se sont succédé. Le neuvième a eu lieu dimanche 24 janvier après ce dernier affrontement, sans que l’on sache sur quoi il a abouti.

Tensions diplomatiques

Ces affrontements sur la frontière sont souvent l’expression de tensions diplomatiques entre les deux pays. La Chine a beau être le premier partenaire commercial de l’Inde, les sujets de discorde restent nombreux et profonds.

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Côté indien, les liens étroits de Pékin avec le frère ennemi pakistanais énervent New Delhi. Avec, ces dernières années, le développement des Nouvelles routes de la soie chinoises et d’un « corridor économique » Chine/Pakistan qui traverse une région administrée par le Pakistan mais revendiquée par l’Inde comme faisant partie de l’ancien royaume du Jammu et Cachemire. Plus largement, New Delhi n’apprécie pas la propension qu’a la Chine de Xi Jinping à étendre son influence dans la région, et plus précisément en mer de Chine.

Du côté de Pékin, on n’oublie pas que le Dalaï Lama est hébergé en Inde depuis des dizaines d’années. Et que l’Inde fait partie du Quad (Quadrilateral Security Dialogue), un partenariat informel mis en place pour contrer l’influence grandissante de Pékin. Il réunit l’Inde, le Japon et l’Australie, et évidemment les États-Unis. Il pourrait s’agrandir…

Les dernières escarmouches à la frontière sont d’ailleurs peut-être pour Pékin une manière de tester la nouvelle administration américaine. Pékin vient de le faire en mer de Chine orientale, en envoyant ce week-end bombardiers et avions de chasse chinois dans la zone d’identification aérienne taïwanaise. La réaction des États-Unis a été immédiate, avec l’envoi d’un porte-avion. Selon un spécialiste de la région, traditionnellement Pékin teste les nouvelles administrations sur Taïwan et la mer de Chine. Il va peut-être maintenant falloir rajouter à cette liste la région himalayenne…

RFI