Emmanuel Macron a prévenu lundi qu’une éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’UE prendrait « des décennies » et proposé en attendant l’entrée dans un nouvel ensemble, une « communauté politique européenne », susceptible aussi d’accueillir des pays comme le Royaume-Uni.
Cette idée, que le chancelier allemand Olaf Scholz a jugé « très intéressante » lors d’une rencontre entre les deux dirigeants à Berlin, est toutefois susceptible de créer craintes et frustrations parmi les candidats déjà déclarés ou potentiels à une adhésion européenne.
Le chef de l’Etat français l’a dévoilée lors de son premier discours sur l’Europe depuis sa réélection, prononcé à Strasbourg.
Cette « communauté politique européenne », dont M. Macron a précisé les contours dans la foulée lors d’une conférence de presse commune à Berlin avec Olaf Scholz, pourrait offrir une « autre forme de coopération », a-t-il dit.
Cette organisation « permettrait aux nations européennes démocratiques adhérant à notre socle de valeurs de trouver un nouvel espace de coopération politique, de sécurité, de coopération », a-t-il expliqué.
L’Ukraine, mais aussi des pays peu avancés sur la voie de l’adhésion, comme la Bosnie-Herzégovine, pourraient en être membres, en attendant l’achèvement des très longues procédures d’adhésion, qui prennent parfois plusieurs « décennies », selon M. Macron.
Il a aussi jugé que la Grande-Bretagne, qui a quitté en 2020 l’UE, pourrait y avoir « toute sa place ».
Il a aussi mentionné les pays « qui sont embarqués dans des questions d’adhésion (…) parfois depuis des décennies », dans une allusion apparente à la Turquie.
La proposition relance le débat, déjà ancien et controversé, sur l’éventualité d’une Union européenne organisée en plusieurs cercles concentriques avec des pays bénéficiant de niveaux d’intégration différents.
– Traités –
A Strasbourg, le président français s’est également dit favorable à des changements des traités européens afin de rendre l’UE plus « efficace et indépendante », une proposition qui se heurte déjà à l’opposition de près de la moitié des Etats membres.
« Il faudra réformer nos textes, c’est évident. L’une des voies de cette réforme est la convocation d’une convention de révision des traités. C’est une proposition du Parlement européen et je l’approuve », a déclaré le président.
La France ayant la présidence tournante du conseil de l’UE jusqu’à la fin du premier semestre, Emmanuel Macron souhaite que cette question soit abordée « avec l’audace et la liberté nécessaires » avec les dirigeants des 27 Etats membres lors du sommet prévu les 23 et 24 juin.
D’ores et déjà, treize pays ont fait savoir lundi leur opposition à de tels changements, souvent compliqués à obtenir, pour donner plus de compétences à l’UE ou modifier son fonctionnement.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’est elle dite prête à réformer l’UE y compris « en changeant les traités si nécessaire », pour notamment abandonner le vote à l’unanimité dans certains domaines, source fréquente de blocage comme actuellement sur la question de l’embargo du pétrole russe, ou donner « un rôle plus important » à l’Europe dans la santé ou la défense.
– Conférence sur l’Europe –
De tels changements font partie des quelque 300 mesures proposées par la Conférence sur l’avenir de l’Europe, vaste consultation citoyenne née d’une idée du président français, dont le rapport final a été remis aux présidents des trois institutions européennes dans l’hémicycle du Parlement européen.
La Conférence sur l’avenir de l’Europe a été officiellement lancée, déjà à Strasbourg, le 9 mai 2021, et s’est terminée à la même date symbolique, un an plus tard, cette fois-ci en pleine guerre en Ukraine.
Cette journée de lundi a « donné deux visages très différents du 9 mai », a souligné Emmanuel Macron.
A Moscou, « il y avait une volonté de démonstration de force, d’intimidation et un discours résolument guerrier » du président Vladimir Poutine. Tandis qu’à Strasbourg, « il y avait l’association de citoyens, de parlementaires nationaux et européens » pour « penser l’avenir » du continent, a-t-il dit.
Emmanuel Macron et Olaf Scholz sont allés dans la soirée affirmer leur « plein soutien » à l’Ukraine en se rendant à pied ensemble sous la Porte de Brandebourg à Berlin, symbole de la Guerre Froide et illuminée aux couleurs du pays envahi par la Russie.
AFP