Le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu est arrivé dimanche à Paris où il doit rencontrer son homologue français Jean-Yves Le Drian. Cette première visite de haut niveau intervient après des mois de tensions entre les deux pays.
Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu doit rencontrer son Jean-Yves Le Drian ce lundi. En octobre 2020, le président Recep Tayyip Erdogan avait accusé Emmanuel Macron de « campagne de haine » contre l’islam et mis en doute la « santé mentale » du président français parce qu’il avait défendu le droit de caricaturer le prophète Mahomet et pour son discours contre le « séparatisme » islamiste en France. En signe d’apaisement, les deux chefs d’État s’étaient entretenus en mars dernier par visioconférence.
Pour autant, les sujets de contentieux entre la France et la Turquie sont nombreux, le rappelle Ahmet Insel, spécialiste de la Turquie au micro de Jelena Tomic. « Avec la France, il y a des dossiers bilatéraux conflictuels, explique-t-il. La question libyenne par exemple. La France et la Turquie sont deux pays qui sont dans des camps adverses qui s’affrontent en Libye. La France et la Turquie sont deux pays qui soutiennent des acteurs adverses en Syrie. La France s’est engagée militairement à soutenir la Grèce dans ses différends sur le partage des eaux territoriales en Méditerranée orientale et a envoyé des navires de guerre. Donc, pour le moment, nous ne savons pas ce qu’ils peuvent obtenir et ce qui peut en sortir. Je pense que là-dessus, c’est toute la difficulté que nous avons sur la politique extérieure et la politique en général en Turquie : c’est la grande imprévisibilité, la grande incertitude qui est aussi une manifestation du régime actuel qui est une autocratie. Aujourd’hui, Mevlut Cavusoglu peut très bien s’entendre avec le ministre des Affaires étrangères français. Mais deux jours après, Recep Tayyip Erdogan peut intervenir pour tout casser. C’est très difficile de faire des pronostics là-dessus. »
Une rencontre avec Joe Biden au sommet de l’Otan ?
Isolé sur la scène régionale et internationale, Ankara multiplie depuis le début de l’année les gestes envers ses alliés occidentaux et régionaux. La Turquie tente de renouer le dialogue avec la France. Dans ce contexte le président turc Recep Tayyip Erdogan attend beaucoup de sa prochaine rencontre avec Joe Biden, en marge du sommet de l’Otan qui se tiendra dans une semaine.
« La Turquie tient beaucoup au sommet de l’Otan parce que le président [Joe] Biden sera présent et il espère avoir une entrevue avec lui. Et cette rencontre au sommet est un peu pour [Recep Tayyip] Erdogan son retour à ce concert des pays occidentaux duquel il était un peu exclu, analyse Ahmet Insel. Il y a une différence très importante entre l’Otan et la Turquie, c’est l’achat par la Turquie de missiles sol-air russes. À cause de ça d’ailleurs, la Turquie a été exclue pour acheter des avions F-35, mais aussi du partenariat pour la construction de ces mêmes avions. Donc, du coup, même au niveau de l’Otan, la Turquie aujourd’hui est un peu isolée et je crois qu’elle essaie de trouver un terrain d’entente sans par ailleurs faire marche-arrière au sujet des missiles. Le président [Recep Tayyip] Erdogan est un peu sous la pression de deux feux différents et il essaie de naviguer dans une zone d’incertitude dont la raison principale, ce sont les politiques qu’il a mises en place lui-même. »
RFI