Dans un arrêté́ conjoint en date du 05 janvier 2021, les ministres du commerce, du budget et celui de la sécurité, décident de l’interdiction, l’importation, la distribution et la commercialisation de la Chicha sur toute l’étendue du territoire national. Une décision salutaire pour beaucoup tenant compte de la prolifération des établissements de commercialisation de cette substance chimique dont la consommation est devenue un phénomène mondial mais particulièrement abusée au sein de la jeunesse Guinéenne.
A l’analyse de la situation, la mesure d’interdiction tient sûrement compte des risques liés à la santé des consommateurs, une chose réelle et non négligeable, additionnée à plusieurs corolaires qui découlent de la consommation voir même abusive de la chicha. Nous y voyons clairement l’inquiétude des autorités pour la santé de la population, notamment les plus jeunes. Une chose tout à fait normale car cela relève d’une priorité́ dans les axes stratégiques de l’État.
La chicha, selon les informations, a des effets plus nocifs que la cigarette. Une seule bouffée de chicha contient autant de fumée qu’une cigarette entière. Une séance de chicha revient ainsi à fumer entre 20 et 30 cigarettes. Et les risques pour la santé sont les mêmes que pour la cigarette : problèmes cardio-vasculaires, respiratoires, digestifs, risques de cancers, etc.
L’eau joue également un rôle important dans la nocivité de la chicha, car elle refroidit la fumée et permet une inhalation plus longue, plus profonde et donc plus nocive. En plus, l’eau diminue l’effet irritant du tabac et donne ainsi à la pipe à eau un goût plus doux. Des études récentes montrent qu’elle contient au moins 27 substances cancérigènes. Malgré tout, la jeunesse Guinéenne est de plus en plus attirée par la consommation de la chicha. Si fait que l’on s’interroge sur la durabilité ou pas de la mesure d’interdiction ?
A présent, faisons-en une analyse profonde ! Sur le plan sanitaire, la chicha est-elle la substance la plus dangereuse consommée à ciel ouvert en Guinée ? je dirais bien NON car il suffit de faire un petit tour dans nos villes pour voir le nombre de lieux qu’il y a pour la commercialisation et la consommation d’autres produits très dangereux pour la santé des citoyens en général et spécifiquement la couche juvénile qui est principale victime.
S’agissant de ces substances nocives, on peut citer par exemple la multiplicité des boissons de tout genre et sans aucun contrôle préalable. A cela s’ajoute la prolifération de nouvelles marques de cigarettes et d’autres consommables sur nos marchés avec un taux d’intoxication incalculable.
Parlant de l’aspect financier, combien de jeunes entrepreneurs ont investi dans les « Chicha-Lounge » ces établissements de commercialisation et de consommation ? Et combien d’autres y ont trouvé́ un emploi provisoire en attendant de meilleurs jours ?
En réponse, je dirai de milliers, autant que la démultiplication de ces établissements sur le territoire national continue de faire une manne financière non négligeable.
Dans cette décision d’interdiction, nous voyons clairement le principe du deux-poids, deux-mesures qui empêche les promoteurs de la filière chicha de vendre leurs produits pour des raisons de santé publique au détriment des grandes brasseries et autres unités industrielles qui pour la plupart ne respectant aucune norme sanitaire. Est-ce pour dire que plus notre niveau d’intoxication est élevé́, plus nous sommes moins exposé aux décisions issues de la complaisance administrative ou c’est parce que les parrains de ces brasseries et autres sont les décideurs eux-mêmes ?
Le paradoxe dans cette situation est que nos autorités ne tirent pas de leçons du passé, car nous le savons tous, dans un passé très récent, une décision similaire avait été́ prise mais qui a eu des effets de feu de paille. Devons-nous continuer donc dans un cycle de décisions éphémères ? Je dirais bien NON. Il faut plutôt revoir la stratégie, notamment penser à la réglementation de toute la chaîne de commercialisation de la chicha à l’image d’autres pays, afin d’éviter de tomber dans des décisions émotionnelles et évènementielles.
Une précision importante pour finir. Je ne fais nullement l’apologie de la consommation de cette substance en Guinée qui est très nocive sur la santé, mais je pense juste que cette décision transgresse le droit des consommateurs avertis sur les risques liés à la consommation de la chicha et d’autres produits tels que l’alcool, la cigarette, etc.
Même si je suis non-fumeur et allergique à la fumée, la situation m’oblige d’attirer l’attention des autorités.
Je leur recommande donc l’adoption d’une stratégie de campagne de sensibilisation sur les conséquences sanitaires de la chicha et l’application d’une taxe douanière spéciale. Ce qui pourrait limiter l’abondance sur le marché́ et nettement réduire le taux de consommation.
Cette mesure peut aller jusqu’à imposer une taxation élevée sur les Chicha Lounge et donner des délais applicables d’au moins 3 à 6 mois.
Mory Condé, Acteur de Développement Local