Des guinéens sont une fois encore tombés sous les balles. Les forces de défense et de sécurité ont encore fait des victimes. Ces pratiques sont à la fois cyniques, irresponsables et inhumaines. La responsabilité de ces tueries est à mettre au compte de l’Etat guinéen qui est le seul garant de la sauvegarde de la paix, de la quiétude sociale et du bien-être des citoyens.

L’Etat a péché depuis toujours par la création des conditions d’une instabilité dans le pays. Il a fait preuve de partialité, de violation flagrante de la loi dans la gestion publique et d’impunité face aux violations répétitives des droits humains.

Lorsque certains citoyens sont privilégiés par rapport à d’autres, lorsque certaines faveurs et prérogatives sont réservées à certains citoyens au détriment d’autres, les germes de la frustration sont semées et quand ces dernières atteignent la maturité, c’est l’explosion qui s’en suivra, causant des dégâts à l’image de que nous avons enregistré ces derniers jours dans certains quartiers de la banlieue de Conakry.

Non, la vocation des jeunes n’est pas de mourir. Un jeune rêve de vivre, de fonder un foyer, s’émanciper, réussir, construire, participer se dépasser etc. mais l’Etat a failli à créer un environnement et des conditions pour que ces aspirations naturelles et légitimes soient possibles. L’insatisfaction de ces besoins naturels doublée d’une injustice avérée est source de frustration qui est souvent source de violence.

L’Etat est coupable d’avoir méprisé, lésé et enfin réprimé, tué et banalisé la vie humaine dans ces quartiers de la banlieue. Ces jeunes sont pour la plupart des personnes sans perspectives d’avenir, sans accompagnement, sans guide éclairé et donc sans espoir. Ils sont traumatisés et abandonnés à eux-mêmes. C’est une faillite et une responsabilité directe des détenteurs des pouvoirs publics et des moyens de l’état.

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Une personne frustrée a tout d’abord besoin d’une oreille attentive. Elle a besoin d’être écoutée, sans être jugée en lieu et place de la stigmatisation ou du rejet. Malheureusement, la réaction à la situation a toujours été inappropriée, inopportune sinon désastreuse. L’absence de l’Etat d’une part et les répressions qu’il utilise rompt complètement le lien, créant ainsi la méfiance et exposant les victimes à toutes sortes de vulnérabilité y compris la désinformation et la manipulation.

Le vide laissé par l’Etat constitue désormais un terreau fertile à la radicalisation, la délinquance et ses corollaires de travers sociaux.

La faillite de l’Etat permet ainsi aux manipulateurs, businessmen du chaos et autres vendeurs d’illusions de se faire des adeptes, de pseudo légitimités. L’envoi des forces de répression face à ce cocktail explosif ne fait qu’exacerber les tensions. Ces pratiques ne font qu’attiser les frustrations, radicaliser les positions et compromettre la paix sociale.

Les organisateurs de ces manifestations ne peuvent se dédouaner de ces violences. Toutes les manifestations organisées cette dernière décennie sont soldées par des morts, des blessés, d’arrestations et toutes sortes traitements inhumains et dégradants. Appeler à des marches de protestation tout en sachant bien qu’elles vont conduire à la mort, aux blessures et à la destruction des biens, bref aux atteintes graves des droits humains est bel et bien coupable. Plusieurs victimes de ces répressions n’étaient associées ni de près ni de loin aux dites manifestations. Certaines sont fauchées par balles alors qu’elles étaient chez elles ou circulaient librement. Cela est inacceptable et révoltant.

La légalité des manifestations est une chose, leur opportunité et leur utilité sont autres choses. Les leaders du FNDC ont aussi péché en organisant des manifestations pendant que la CEDEAO a entrepris des démarches pour trouver une issue à la crise guinéenne. Le médiateur a pris contact avec les autorités et a mandat de rapprocher les positions antagoniques. N’est-ce pas une des revendications des forces vives de la nation ?

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Le peuple reste la seule victime de ce business de la mort. Jamais justice n’a été rendue aux victimes. Cela ne peut continuer. Il est impératif que ça s’arrête.

La solution consiste tout d’abord à arrêter et punir les coupables et rendre justice aux victimes. Ensuite, rester à l’écoute de cette jeunesse désabusée à travers les services étatiques, les organisations responsables de la société civile, les ONG entre autres. Le rôle de ces organisations consistera à mettre des mécanismes en place pour occuper les jeunes et ressusciter l’espoir dans les cœurs. Les fonds publics peuvent servir au financement et au fonctionnement de ces mécanismes.

Enfin, pour que tout ce processus fonctionne, il est impératif que les autorités au plus haut niveau prennent leurs responsabilités pour la construction d’une véritable nation guinéenne. Cela passera nécessairement par une neutralité sans faille dans la gestion et l’application stricte de la loi à tous les niveaux. La force physique ne peut en aucun cas résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. Seule une justice équitable et un jeu démocratique franc peuvent garantir l’égalité à travers une compétition saine pour l’accession aux postes électifs et de responsabilité et la gestion de la chose publique pour le bien-être de tous.

Boubacar DIENG