Une vidéo partagée depuis mercredi 8 septembre prétend prouver l’implication de soldats américains dans le coup d’État du 5 septembre en Guinée. On y voit des soldats américains en uniforme dans un pick-up, escortés par des forces spéciales guinéennes. Mais en réalité, cette vidéo montre un simple convoi de soldats américains revenant d’une mission pour retourner à l’ambassade des États-Unis à Conakry.
Relayée par plusieurs pages Facebook africaines, comme ici au Mali ou au Gabon, et par des médias guinéens sur Twitter, la vidéo montre au moins trois militaires dans un pick-up avec, des uniformes sur lesquels le drapeau américain est visible. À l’arrière du véhicule, plusieurs militaires armés portant des uniformes guinéens, dont certains cagoulés, sont visibles.
Pour ceux qui partagent la vidéo, il s’agirait d’une preuve que « les militaires américains ont participé au coup d’État en Guinée », d’après une des légendes associées à la vidéo.
Les images ont été filmées à Conakry, dans la commune de Bambéto. Des bâtiments visibles au second plan ainsi que des panneaux publicitaires permettent de situer la scène précisément au rond-point de Bambéto, où des célébrations spontanées ont eu lieu dès l’après-midi du 5 septembre, peu après l’annonce de l’arrestation du président guinéen Alpha Condé.
« Les forces de sécurité guinéennes ont fourni une escorte jusqu’à Conakry pour assurer le passage de l’équipe en toute sécurité »
Contactée par la rédaction des Observateurs de France 24, l’ambassade des États-Unis affirme que la vidéo a été filmée le 6 septembre, au lendemain du coup d’État, et a apporté les précisions suivantes :
« Avant les événements du 5 septembre, une petite équipe de militaires américains était engagée dans un exercice d’entraînement conjoint à l’extérieur de Conakry. Compte tenu de l’évolution de la situation sécuritaire, il a été décidé que l’équipe soit transférée à l’ambassade des États-Unis à Conakry [le lendemain, le 6 septembre, NDLR]. Les forces de sécurité guinéennes ont fourni une escorte jusqu’à Conakry pour assurer le passage de l’équipe en toute sécurité.
La vidéo semble illustrer une partie de ce transfert. Le gouvernement et l’armée des États-Unis ne sont en aucune façon impliqués dans cette prise de pouvoir militaire. Les États-Unis condamnent fermement ces actions en Guinée, ainsi que toute tentative de prise de pouvoir par la force ou toute action anticonstitutionnelle [comme l’a rappelé l’ambassade dans un communiqué publié sur Facebook dès le lendemain du coup d’État, NDLR]. »
L’ambassade américaine précise également :
L’armée américaine s’engage dans des formations conjointes similaires avec d’autres armées étrangères. Le but de cette formation, c’est que les militaires américains apprennent à travailler avec leurs homologues étrangers en s’adaptant aux différences culturelles, structurelles et opérationnelles. La formation avec les forces de sécurité guinéennes, en mettant l’accent sur la formation aux techniques de contre-terrorisme, a été interrompue immédiatement après l’annonce de la prise de pouvoir par les forces militaires à Conakry.
Même son de cloche du côté de l’entourage du colonel Doumbouya, également joint par notre rédaction : « C’était des soldats américains qui étaient venus pour une mission de formation et qui étaient avec nous dans le cadre d’opérations conjointes entre la Guinée et les États-Unis », confie à la rédaction des Observateurs de France 24 une source qui a souhaité rester anonyme. Elle ajoute : « Leur présence en Guinée n’a absolument rien à voir avec ce qu’il s’est passé le 5 septembre. »
« Il n’est pas rare lors de mouvement de foule comme celui-ci que des militaires étrangers se fassent escorter par des forces spéciales »
Nouhou Baldé, journaliste pour Guinée Matin, abonde dans ce sens. Selon lui, ces images n’ont rien de particulièrement surprenant :
« Il n’est pas rare lors de mouvements de foule comme celui-ci que des militaires étrangers se fassent escorter par des forces spéciales, afin d’éviter tout débordement ou de se faire prendre à partie. Il est très probable que ce véhicule ait rallié l’ambassade américaine qui se situe non loin de ce rond-point, dans le quartier de Bambeto.
Dans l’opinion publique guinéenne, les Américains sont plutôt bien appréciés, même s’ils ont récemment été critiqués à cause du soutien des États-Unis après la réélection d’Alpha Condé. Mais je ne peux de toute façon pas imaginer que ces derniers se seraient laissés filmer dans la foule à visage découvert s’ils avaient été impliqués dans ce putsch. »
Source: Observateur France24