Au terme de vingt ans de présence en Afghanistan, la plus longue guerre menée par les États-Unis s’achève par une victoire spectaculaire des talibans qui ternit l’image de la première puissance mondiale.
Le drapeau américain a été retiré lundi 16 août de l’ambassade des États-Unis à Kaboul dont «presque tout» le personnel se trouve à l’aéroport dans l’attente d’être évacué, a annoncé le département d’État. Alors que les militaires protègent l’aéroport de Kaboul pour un départ précipité des Américains et des Occidentaux d’Afghanistan.
Trente mille personnes environ sont à évacuer selon le Pentagone : diplomates ou ressortissants américains et civils afghans, et pour encadrer les opérations, le patron de la Maison Blanche a encore autorisé l’envoi de 1000 soldats supplémentaires, rapporte notre correspondant à New York,Loïg Loury. Ils seront 6000, sur place d’ici 48h. Mais l’impression demeure d’un immense échec et d’une humiliation pour les Américains, poussés dehors à deux semaines de la date fixée.
L’effondrement dimanche 15 août du gouvernement afghan et de son armée financée par Washington, la fuite à l’étranger du président Ashraf Ghani, le ballet des hélicoptères pour évacuer le personnel de l’ambassade américaine : ces faits historiques risquent de peser nettement plus lourd que les assurances du gouvernement Biden sur une mission «réussie».
Joe Biden et son secrétaire d’Etat Antony Blinken auront beau répéter que le maintien de la présence américaine n’aurait rien changé, ce sont bien vingt années de guerre, résume leNew York Times, qui se terminent comme elles avaient commencé : avec les talibans au pouvoir. Et à moins d’un mois de l’anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, on peut s’attendre à ce que la question du «Pourquoi ?» soit de nouveau posée avec force : pourquoi ces près de 2 500 vies américaines perdues ? Pourquoi cette facture dépassant 2 000 milliards de dollars ?
Certains s’inquiètent déjà, à l’instar de l’élue républicaine Liz Cheney, que la débâcle ne vienne saper l’action de Washington sur certains théâtres à l’étranger, les États-Unis n’inspirant plus la même crainte à leurs adversaires. La déroute américaine signifie «que les rivaux de l’Amérique savent qu’ils peuvent nous menacer, et nos alliés s’interrogent ce matin sur le fait de savoir s’ils peuvent compter sur nous pour quoi que ce soit», a déploré la parlementaire.
Husain Haqqani, un ancien ambassadeur pakistanais aux États-Unis, le confirme : «La crédibilité de l’Amérique en tant qu’alliée est entamée en raison de la façon dont le gouvernement afghan a été abandonné pendant les pourparlers de Doha», estime-t-il, en référence au cycle de réunions internationales qui s’est tenu au Qatar, avant de s’enliser.
Contrer la Chine
Mais rester en Afghanistan indéfiniment «n’est pas dans notre intérêt national», a-t-il ajouté, rappelant que les États-Unis voulaient désormais se donner les moyens de contrer la politique agressive de la Chine dans le Pacifique.
«Il n’y a rien que nos concurrents stratégiques aimeraient davantage que de nous voir embourbés en Afghanistan pour 5, 10 ou 20 ans de plus», a souligné M. Blinken.
De son côté, la Chine a d’ores et déjà commencé à exploiter la situation, par le biais d’une analyse publiée par le quotidien d’ÉtatGlobal Times. Selon ce journal connu pour son ton nationaliste, l’Afghanistan illustre combien les États-Unis seraient «un acteur pas digne de confiance, qui abandonne toujours ses partenaires et alliés dans la quête de ses propres intérêts».
(Avec AFP)