Le mouvement M5, né début juin et composé d’une partie de la société civile, de l’opposition politique et de religieux, a organisé sa troisième manifestation ce vendredi pour réclamer la démission du chef de l’État Ibrahim Boubacar Keïta. Les manifestants ont pris d’assaut plusieurs bâtiments officiels dont le siège de l’ORTM, l’Assemblée national, ainsi que deux ponts de Bamako. Les forces de l’ordre sont intervenues. Au moins une personne a été tuée et 19 autres blessées par balles.
Le rassemblement a commencé après la grande prière du vendredi, même si à la mi-journée, il y avait déjà quelques organisateurs et manifestants sur la place de l’indépendance à Bamako avec pancartes et banderoles réclamant « IBK dégage » ou encore « Nous voulons le changement ». Des forces de défense et de sécurité ont été déployées, notamment sur les principaux axes de circulation, rapporte notre correspondant à Bamako, Serge Daniel.
Dans son discours télévisé mercredi soir, le chef de l’État IBK a renouvelé sa confiance à l’actuel Premier ministre Boubou Cissé. La dissolution de l’Assemblée nationale ne serait pas juste, a-t-il ajouté, car elle priverait de leurs sièges tous ceux qui ont été élus sans contestation. Alors ce vendredi, le M5 a haussé le ton. Il a appelé à une nouvelle mobilisation et pour la première fois à la désobéissance civile sur toute l’étendue du territoire.
Occupation de l’ORTM
Après le rassemblement place de l’indépendance, au cours duquel l’un des leaders du M5 a appelé à la tribune à occuper la devanture de l’Office de radio télévision du Mali, la primature et l’Assemblée nationale, des manifestants ont pris la direction de plusieurs bâtiments publics dont l’ORTM et le Parlement. A ces deux endroits, des coups de feu ont été entendus.
La cour de l’ORTM a été investi et la télévision nationale a cessé d’émettre, avant que ses programmes ne reprennent dans la soirée. La permanence du député Karim Kéita, fils du président de la République, a été saccagée. Les manifestants ont également réussi à bloquer deux des trois ponts de la capitale.
Barricades et pneus brûlés
Aux alentours de 21h, les manifestants bloquaient encore la circulation, des pneus continuaient de brûler et des barricades avaient été érigées par des jeunes sur l’axe reliant le sud de la ville au centre-ville, où se trouve la Cité administrative, le siège de nombreux ministères. Dans le sud de la ville toujours, des automobilistes sont restés bloqués à cause de barricades au niveau de nombreux carrefours. En fin de journée, des manifestants interdisaient aussi l’accès à l’aéroport.
Vers minuit, le pont des Martyrs de Bamako était toujours sous le contrôle de jeunes se réclamant du mouvement. Des barricades posées et des pneus brûlés empêchaient les véhicules de circuler.
Un mort
De source médicale, le bilan était en fin de soirée d’au moins une personne tuée et de nombreux blessés, dont 19 par balles. « Il est difficile de donner un bilan définitif, mais le bilan provisoire est de plusieurs dizaines de blessés, il faut en compter une quarantaine environ », estime Djimé Kanté, secrétaire général adjoint du comité syndical du CHU Gabriel Touré. Parmi ces blessés, certains sont dans un état critique. « J’ai vu un jeune dont la main droite a été totalement détruite et d’autres ont des impacts de balles. Ils sont en train d’être pris en charge. »
Djimé Kanté confirme par ailleurs qu’il y a bien un mort « le corps a été déposé à la morgue de l’hôpital Gabriel Touré, mort des suites de ses blessures par balles ».
Nous n’allons pas casser le pays, ni brûler le pays. Nous prohibons le coup d’Etat. Qu’est-ce qu’il nous reste encore ? C’est de passer par la désobéissance civile. Et là, nous allons continuer jusqu’au bout.
La démission du président IBK, mot d’ordre des manifestants
Le M5 se félicite de la mobilisation
Dans un communiqué diffusé vendredi soir, les responsables du M5 félicitent « le peuple malien pour sa mobilisation exceptionnelle » et exhortent la population à rester mobilisée pour pousser le président la démission. Les leaders du Mouvement du 5 juin déclarent également tenir pour responsable le pouvoir de toutes les violences.
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« La mobilisation d’aujourd’hui a été plus forte que celle du 5 et du 19 juin. Et donc nous sommes satisfaits, cela montre que nous sommes en phase avec le peuple, estime Choguel Kokala Maïga, l’un des responsables du mouvement. La frustration que le peuple malien vit aujourd’hui, dans n’importe quel autre pays, cela aurait donné bien plus de dégâts matériels et humains. C’est grâce à la retenue, au mot d’ordre permanent de conquête pacifique de la dignité de notre peuple que les dégâts ont été limités. Ce qu’il y a eu comme dégâts, c’est la responsabilité du pouvoir. Les manifestants étaient à mains nues. Ils ont pris l’ORTM sans casser un œuf, à l’Assemblée nationale, sans casser un œuf. C’est là-bas que des personnes ont tiré sur la foule et ça c’est la responsabilité du gouvernement. »
De son côté, dans un message écrit, le président IBK a regretté « les scènes de violence et de saccage ». Il a également exprimé sa compassion aux familles des familles des victimes.
La démission d’IBK, priorité du mouvement
La dernière résolution du Mouvement du 5-Juin date de ce jeudi et le mouvement de contestation ne mâche pas ses mots. La démission du chef de l’État redevient la priorité des priorités, selon ce texte signé par les trois organisations qui composent le M5.
Cette revendication initiale avait été mise au second plan dans le mémorandum du 30 juin. Pour sortir de la crise politique, l’opposition proposait alors de nommer un nouveau Premier ministre et de dissoudre la nouvelle Assemblée nationale contestée depuis les législatives d’avril. Des propositions qui ne semblent pas à l’ordre du jour à la présidence.
On en a marre de son régime, il doit dégager dès maintenant. S’il est un bon président, un bon citoyen, il doit dégager.
RFI