CONAKRY-La chute brutale d’Alpha Condé, renversé le 05 septembre 2021, n’a pas fini de dévoiler tous ses secrets. Plus de deux mois après le putsch, un haut officier de l’armée a décidé de briser le silence pour décrire le climat pourri qui polluait l’armée, l’administration en général et le petit noyau qui gravitait autour du palais. Pourrissement qui a abouti au putsch.
Sous le sceau de l’anonymat, un haut gradé de l’armée, -victime de ces clans qui se « guerroyaient » dans l’ombre autour du président déchu, espérant hypothétiquement lui succéder-, a levé un coin du voile sur les coulisses de la chute de l’ancien président guinéen. De ses explications, l’on tire la conclusion que Alpha Condé ressemblait à quelqu’un qui était condamné à partir. C’est la manière qui était un mystère. Car si Mamadi Doumbouya et son groupe n’agissaient pas le 05 septembre, d’autres au sein de l’armée à la solde de certains caciques du régime déchu, étaient prêt à agir pour prendre le pouvoir.
Avant le forcing opéré pour s’octroyer un « troisième mandat », Alpha Condé s’était arrangé pour se « débarrasser » de centaines de militaires, explique notre source que nous appelons K.M. Certains militaires, accusés de complot avaient été jetés en prison, d’autres (plus chanceux) jugés encombrants étaient mutés. Pour la deuxième catégorie, c’était les plus craints (par l’ex président) au sein de la hiérarchie militaire. Ils ont été mutés à l’étranger au niveau des attachements militaires. Par cette action l’ancien opposant historique arrivé au pouvoir en 2010 en Guinée, espérait être tranquille pour dérouler son mandat (de trop). Explications.
« Au lendemain de son troisième mandat, le président Alpha Condé avait surpris la majorité des guinéens, mais pour ceux qui étaient dans le cercle du pouvoir ou proche de la grande muette, comme moi on voyait des situations étranges. On savait que c’était des signaux prémonitoires d’une fin de règne et l’arrivée d’une nouvelle ère en Guinée. Le changement de régime était bien prévisible. Certains caciques se livraient à des coups bas pour mieux se positionner. Chacun avait son noyau dans l’armée, et attendait la meilleure occasion pour frapper. Après l’élection du 18 octobre, Alpha Condé est devenu un homme qui s’est refermé sur lui-même. Il a fermé sa porte à bien des proches qui avaient un accès permanent au palais. L’homme était déçu des comportements de certains de ses hommes de confiance. Il voulait vraiment revoir les choses. Son souhait de tourner le dos à certains dignitaires qui l’ont déçu passait mal.
Le troisième mandat a créé un climat de suspicion sans précédent dans l’administration et au sein des forces armées. Chacun voyait l’autre comme une taupe pour contrôler ses mouvements. Les cadres et les officiers avaient arrêté de parler au téléphone des sujets sérieux. Le système bien connu de la révolution et des pays communistes avait repris. On agissait par des codes que seuls les initiés comprennent. On vivait comme ça dans l’administration mais aussi au sein de l’armée dans les derniers instants du régime d’Alpha Condé. Certains venaient rapporter au Président en lui disant tant que, tel est à ce poste ou est à Conakry, tu ne seras pas tranquille. C’est comme ça qu’on faisait porter des masques à des officiers. S’ils ne sont pas arrêtés et jetés en prison, ils sont mutés loin de Conakry ou à l’étranger. Tous ces agissements visaient à bousculer certains pour mieux contrôler le palais et ses instances.
Mais en toute chose, il faut être de bonne foi, ceux nous ont bousculé, ont pensé que c’était le meilleur plan pour avoir le pouvoir après Alpha Condé. Mais Dieu seul a son agenda que personne ne sait. Tout ce qu’ils ont manigancé est tombé à l’eau. Le pouvoir qu’ils voulaient prendre est passé devant leurs yeux. En fait, tous les groupes qui s’étaient préparés, qui ont monté la garde pour voir la chute du Président et ensuite prendre la tête du pays, ont faussé le calcul. Au moins il y avait 6 groupes (dans l’armée) qui étaient aux aguets. Chaque groupe était à la solde d’un cacique pour reprendre les choses en main, au moindre faux-pas. Mais les choses ont tourné autrement. Eux tous ont été surpris au matin du 5 septembre 2021.
Ce qui a changé la donne, c’est le mystérieux séjour du président en Turquie. Beaucoup de choses se sont dites, mais un jour les gens seront édifiés sur ce qui s’est réellement passé. En réalité, si le coup de force du 5 septembre n’était intervenu, il y aurait eu un coup d’Etat après. Certains groupes qui s’étaient constitués, voulaient profiter de la fête du 2 octobre pour prendre le président ou lors d’une de ses sorties.
Les jeunes courageux qui ont pris le pouvoir le 5 septembre, à leur tête le colonel Doumbouya n’appartenaient à aucun de ces groupes tapis dans l’ombre et qui attendaient la meilleure occasion pour frapper. Colonel Doumbouya et ses hommes se sentaient isolés comme nous autres. Ils ont été les derniers à décider de prendre le pouvoir de leur propre gré et ça n’a pas pris assez de jours. La stratégie était si forte qu’ils ont réussi à la première tentative. Au 21 siècle, allez chercher un président dans son palais et sortir indemne n’est pas donné à tout le monde.
Mais les jeunes se sont dit : si on ne fait pas le nécessaire maintenant, les vautours ou les hauts gradés risquent de tomber sur nous et le pays risque de basculer. Dieu merci, c’est venu comme ça. Sinon, tout le pays serait en train de pleurer aujourd’hui, car les intentions cachées étaient énormes.
A partir de la Turquie, un communiqué est parvenu au pays comme quoi le ministre de la défense doit assurer l’intérim à la primature en l’absence du Premier ministre en deuil (…). Ce n’était pas Alpha Condé qui a fait ce papier mais quelqu’un d’autre. Ceux qui l’ont fait pensaient que c’était la fin des jours du président (après son opération). Je ne vais pas tout raconter ici.
C’est pendant que tout cela se tramait, les jeunes ont contourné le plan des dinosaures pour sauver le peuple de Guinée au retour du président en Guinée. Ils ont frappé le 5 septembre avant les dates qui étaient planifiées par les autres groupes qui étaient déjà aux aguets. Si l’un de ces groupes prenait le pouvoir, ça allait conduire le pays dans une descente aux enfers. Mais maintenant les cartes de la physionomie du pouvoir en Guinée sont rebattues. Ce qui fait qu’au lendemain du 5 septembre, ils n’avaient pas le choix que de se rendre et se soumettre aux nouvelles autorités du pays qui ont été très clémentes et responsables pour ne pas agir comme eux », a témoigné cet officier de l’armée.
La suite avec le séjour du président en Turquie.
A suivre…
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