William Ruto a prêté serment mardi pour devenir officiellement le cinquième président du Kenya lors d’une cérémonie riche en couleurs à laquelle ont assisté une vingtaine de chefs d’Etats et de gouvernements.
Parmi les invités de marque: la présidente Samia Suluhu Hassan de la Tanzanie, Emmerson Mnangagwa du Zimbabwe, Filipe Nyusi du Mozambique, Félix Tshisekedi de la RDC, Umaro Sissoco Embalo de la Guinée Bissau (président en exercice de la CEDEAO), Paul Kagame du Rwanda, Ismaïl Omar Guelleh de Djibouti et Moussa Faki Mahamat, patron de la Commission de l’Union africaine.
C’est la présidente de la Cour suprême, Martha Koome, qui a supervisé la prestation de serment de M. Ruto, 55 ans, sous un tonnerre d’applaudissements et une pluie de confettis. Le nouveau vice-président, Rigathi Gachagua, a aussi prêté serment lors de la même cérémonie.
La cérémonie d’investiture a eu lieu au stade Kasarani, le plus grand de Nairobi, la capitale, avec une capacité de 60.000 places. Le stade était rempli avant 9H00, et de nombreux partisans portaient des maillots et casques jaunes, la couleur du parti de William Ruto. Plusieurs personnes ont été blessées après qu’une foule a essayé de forcer l’entrée du stade.
Le 5 septembre, près d’un mois après l’élection présidentielle du 9 août, la Cour suprême a validé à l’unanimité la victoire du vice-président sortant devant Raila Odinga, figure historique de la politique kényane de 77 ans qui avait dénoncé des « fraudes ».
M. Ruto a devancé M. Odinga, soutenu par le chef de l’Etat sortant Uhuru Kenyatta et son puissant parti, d’environ 233.000 voix sur un total de 14 millions de votes.
L’arrivée de William Ruto à State House, le palais présidentiel, était scrutée de près par la communauté internationale, qui considère le Kenya comme un havre de stabilité démocratique et une locomotive économique dans la région tourmentée de la Corne de l’Afrique.
Les observateurs indépendants ont loué la bonne tenue de l’élection qui, malgré un scrutin serré et contesté, n’a pas donné lieu à des violences, comme a pu connaître le pays par le passé.
Le président sortant Kenyatta a évoqué une transition « en douceur ».
Les deux hommes, en conflit depuis plusieurs années, se sont serré la main lundi devant les caméras lors d’une entrevue au palais présidentiel. M. Kenyatta a ensuite « chaleureusement félicité » son successeur.
Difficultés économiques
Son élection validée par la Cour suprême, William Ruto a appelé à l’unité, tendant une « main fraternelle » à ses opposants. « Nous ne sommes pas des ennemis, nous sommes tous des Kényans », a-t-il déclaré dans un discours.
Mais selon de nombreux analystes, M. Ruto hérite d’un pays profondément divisé, au terme d’une campagne tendue.
La prestation de serment de William Ruto intervient à un « moment historique », selon un éditorial publié dimanche dans les colonnes de The Standard, un des principaux quotidiens du pays. « Il est temps de serrer les rangs, accueillir les opposants et forger un front uni », exhortait le journal.
De nombreux Kényans se sont détournés des urnes, alors que le pays fait face à une forte inflation et à une dette qui atteint 70 milliards d’euros, environ 67% de son PIB.
Issu d’une famille modeste avant de devenir un des hommes les plus riches du pays, le nouveau président s’est présenté comme le héraut des « débrouillards » du petit peuple, promettant de créer des emplois et de s’attaquer à l’inflation qui frappe notamment les carburants, les produits alimentaires, les semences et les engrais.
Pour sortir le pays du « gouffre économique » dans lequel il se trouve, il a promis la création d’un « fonds des débrouillards » d’un montant de 50 milliards de shillings kényans (environ 410 millions d’euros) permettant d’accorder des prêts aux petites entreprises.
Mais la tâche s’annonce difficile pour le nouveau président sur le terrain économique, selon le centre de réflexion International Crisis Group (ICG).
Si les élections kényanes ont été un « exemple pour la région », le nouveau chef de l’Etat doit répondre « à des attentes très élevées et à une économie en mauvaise posture », souligne l’ICG, en prévenant: « Gouverner sera plus dur que faire campagne ».
Fin d’une ère
Cette cérémonie met fin à près d’une décennie de présidence d’Uhuru Kenyatta, élu président en 2013 et réélu en 2017, qui ne pouvait briguer de troisième mandat.
Issu d’une des familles les plus riches du pays, le fils du premier président Jomo Kenyatta – considéré comme le père de l’indépendance en 1963 – percevra une somme forfaitaire non-imposable de 324.000 euros, un salaire annuel de 600.000 euros et une allocation mensuelle de 10.000 euros.
Il aura également droit à des bureaux meublés, des dizaines d’assistants, des gardes du corps et des voitures neuves de son choix remplacées tous les trois ans.
AFP