Monsieur le Président,
C’était un après-midi de l’an 2005. Après l’école, je m’ennuyais à la maison. Cherchant à dissiper mon ennui, j’entrepris de fouiller dans les archives de mon père qui est décédé quand j’avais 6 ans. J’éprouvais un réel enchantement en lisant ses écrits (lettres, notes, rapports etc.). Ces écrits constituaient pour moi un moyen de connaitre qui était mon père. Dans ces fouilles et lectures obstinées, je suis tombé sur une copie de la lettre de radiation de mon père des rangs de l’armée. Sa radiation était motivée par le soutien clandestin qu’il vous apportait en 1991, 4 ans juste après ma naissance. Le Président Lansana Conté ne pouvait tolérer qu’un militaire du rang de mon père puisse apporter un soutien à celui qui deviendra son principal opposant. Les conséquences de cette radiation furent désastreuses pour notre famille la jetant dans une extrême précarité. Mari de 2 femmes et père de 12 enfants, mon père entreprit plusieurs démarches auprès de sa hiérarchie pour être rétabli dans ses droits, en vain. 3 ans plus tard il rendit l’âme nous laissant ainsi sans soutien.
Monsieur le Président, cette découverte bouleversante m’a conduit en politique en vous soutenant avec ferveur alors que je venais juste de faire mon entrée au lycée. En réalité, ma motivation initiale était d’honorer mon père en continuant son combat à vos côtés. Mais cette motivation perdait sa principalité face à votre détermination et vos grandes qualités politiques et intellectuelles qui me convainquirent davantage.
En 2010 et 2015, j’ai soutenu et battu campagne pour vous et le RPG souvent dans des environnements très hostiles m’exposant ainsi à des risques élevés de sécurité. Mais mon engagement était si fort qu’il dominait ma peur. Pendant les débats sur la nouvelle constitution votée par voie référendaire le 22 mars 2020, ma position était claire. Je soutenais le référendum pour la simple raison que la constitution de 2010 n’émanait pas du peuple. Pour moi, c’était une constitution de circonstance qui devait évoluer. J’ai soutenu cette position tant en Guinée que dans d’importantes réunions à l’étranger.
J’assume donc avec fierté ce soutien au référendum. Mon engagement et tous les efforts que je fournis au RPG sont sincères et inconditionnels. Pour preuve, je n’ai jamais demandé ou espéré à être nommé ou, avoir une quelconque faveur particulière, contrairement à certains jeunes cadres qui sont de deux catégories : ceux qui chantent des louanges pour espérer un décret et ceux qui critiquent et tirent sur tout ce qui bouge pour attirer l’attention sur leur personne et/ou être pris au sérieux.
Cependant, je suis déçu de constater que les conventions régionales du RPG qui viennent de se tenir réclament un autre mandat pour vous, Monsieur le Président, alors que vous en avez déjà fait 2. La raison souvent évoquée est qu’il faille vous laisser terminer vos chantiers ou encore qu’il n’y aurait pas d’autres personnes meilleures que vous au sein du RPG. Monsieur le Président, ceci ne voudrait -il pas dire que le RPG n’a pas d’avenir et tend vers le même sort que le PDG et PUP ? Ce serait très déplorable et je dirais même inacceptable !
Monsieur le Président, je suis né dans le régime post-pdgiste. J’ai appris que le PDG fut un parti tout puissant en Guinée au lendemain des indépendances. Sékou Touré, son leader charismatique dont les œuvres m’inspirent beaucoup, s’est énormément battu avec ses compagnons pour donner à la Guinée son indépendance et sa dignité. Mais malheureusement, il s’est fait surprendre par la mort sans préparer sa succession pour la poursuite de la révolution. Les conséquences, nous les connaissons…
Lansana Conté qui succéda à Sekou Touré par coup d’état, lui aussi est mort sans penser à la relève au sein du PUP, et ce, après 24 ans au pouvoir. Conséquences, un autre coup d’état, et le PUP n’existe désormais que de nom.
En jugeant ces deux premiers Présidents de la Guinée sur l’impréparation de leurs successions, je serais clément face au Président Sékou Touré à cause non seulement des nombreux défis auxquels il était confronté mais aussi à cause du fait que notre République n’était que naissante à cette époque (manque d’expérience). Je serais aussi tolérant face à Lansana Conté qui était un militaire et non un vrai homme d’état.
Monsieur le Président, vous qui avez vécu et combattu tous ces régimes, et mieux, vous qui avez de grands diplômes, devez impérativement éviter de faire la même faute que vos prédécesseurs, en vous gardant de faire un mandat de plus. L’argument selon lequel il n’y aurait pas de personnes meilleures que vous au sein du RPG pour achever vos chantiers, est pour moi une démonstration que vous êtes un Président mais pas un visionnaire. Monsieur le Président, vous auriez dû dès les premières semaines de votre présidence commencer à faire émerger autour de vous, des jeunes leaders compétents capables d’incarner les idéaux du RPG. Ce serait tout à votre honneur en votre qualité de fondateur du parti. Ainsi, le RPG éviterait le triste sort de ses prédécesseurs (PDG et PUP). Je ne souhaite vraiment pas me rendre à l’évidence que tous les efforts et sacrifices consentis par nos parents et nous-mêmes au sein du RPG n’auront produit qu’une nouvelle dictature à cause du nombrilisme et la gourmandise politique de notre leader.
Monsieur le Président, de 2010 à maintenant, beaucoup de choses ont changé positivement. Vous avez fait votre mieux, seulement le chantier de développement de la Guinée est trop vaste. Une seule personne ne peut donc prétendre l’achever quelles que soient sa volonté et ses compétences. Vous devez vous en rendre compte et accepter de couronner votre riche palmarès politique en organisant pour la première fois dans l’histoire de notre pays, une alternance démocratique et pacifique. En le faisant, vous embarquez la démocratie guinéenne dans un train à grande vitesse et devenez incontestablement une figure emblématique dont le parcours inspirera des générations à venir.
Monsieur le Président, entendez à travers cette lettre, la voix d’un jeune militant soucieux non seulement de votre propre image et de l’avenir de notre parti (RPG) mais aussi et surtout de la stabilité sociopolitique de notre pays.
Il est prévu d’organiser le 05 août 2020, la convention nationale de notre parti (RPG). Monsieur le Président, profitez de cette occasion solennelle pour annoncer votre non-candidature aux élections présidentielles prochaines pour démontrer à la face du monde que ce n’était pas anodin quand vous disiez que vous serez le Mandela de la Guinée. Je vous en exhorte vivement et compte entièrement sur vous.
En vous souhaitant une bonne compréhension, je vous prie Monsieur le Président de recevoir mes cordiales et respectueuses salutations.
Par Mamoudou Berete, jeune militant du RPG