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MINES. Quand le ministre des Mines crée et entretient la confusion autour le projet Simandou…

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Après avoir décidé unilatéralement de l’arrêt des travaux d’infrastructures liés au projet Simandou, le ministre des mines et de la géologie, Moussa Magassouba, a donné lundi une longue interview à la RTG où il a tenu des propos hallucinants sur le mégaprojet et sur le Code minier en vigueur en République de Guinée. Le problème est qu’il s’est tellement emmêlé les pinceaux que certains spécialistes ont eu le tournis…
Il semble que Magassouba ne sait pas exactement de quoi il parle, même si, dans son « one man show » ahurissant du lundi 5 Juillet 2022, il a voulu convaincre l’opinion guinéenne.
Selon lui, ce sont les efforts du gouvernement qui ont obligé Winning Consortium Simandou (WCS) et Rio Tinto à se mettre ensemble pour « un co-investissement et un co-développement des infrastructures ferroviaires et portuaires ».
Présentée ainsi, l’histoire semble belle, mais ce que le chef du département des mines ne dit pas, c’est que le fait même de mettre ensemble une compagnie engagée depuis 2019 dans la réalisation des infrastructures du projet (WCS), et une autre (Rio Tinto Simfer), présente en Guinée depuis 1997 – et qui s’est jusque-là contentée de faire de petits travaux dans sa base vie de Ganga East (Beyla) ou en louant à grands frais des locaux à Conakry -, est une dynamique qui a brisé l’élan de l’un et permis à l’autre de gagner du temps, trop occupé qu’il était à développer sa nouvelle mine de fer en Australie (https://www.nxtmine.com/base-metals/rio-tinto-begins-iron-ore-deliveries-from-3-1bn-gudai-darri-mine/).
Quand, dans les années 2000, Rio Tinto était toute seule sur tous les 4 blocs du Simandou, un des plus grands experts des mines en Guinée avait dénoncé cette situation de monopole qui ne favorisait pas un développement rapide du projet. C’est d’ailleurs cette idée, motivée également par l’énorme retard pris dans le développement du projet, qui a accéléré la rétrocession de 2008 (en faveur de BSGR), même si l’histoire a tourné court, avant que les blocs 1 et 2 (Simandou Nord) ne soient récupérés par WCS, suite à un appel d’offres international remporté en 2019 devant le géant australien, Fortescue Metal.
Une autre affirmation incroyable de Magassouba, pour justifier sa décision incompréhensible, est que le Code minier prévoyait 15% d’actions gratuites en faveur de l’Etat, dans les infrastructures minières. Fouillez le Code minier et vous ne trouverez aucune disposition corroborant les dires du ministre des mines, surtout que, dans ce cas de figure, il s’agit d’une infrastructure, construite sur la base d’un modèle Build Operate and Transfer (BOT), pour un montant de 15 milliards de dollars USD dans le cas de WCS (18 milliards USD pour Rio Tinto), là où le Produit intérieur brut (PIB) annuel de la Guinée, dépasse à peine les 13 milliards USD (voir note PS en bas). Il s’agissait ni plus ni moins de permettre à notre pays d’engranger des revenus (sous forme de taxes), tout au long de la durée de la convention, et de récupérer le chemin de fer et le port en eau profonde au bout de 35 ans, sans payer un seul kopeck…
Il y a d’ailleurs à se poser des questions sur ce qui peut motiver un membre du gouvernement à tenter de faire pression sur ces deux compagnies, pour obtenir « 15% d’actions gratuites » dans les infrastructures, dont il ne connait pas les partenaires financiers qui, du reste, n’ont prévus de « surcoûts » dans le cadre de l’aménagement desdites infrastructures ? Demander à une entreprise qui a déjà calé avec les banques et autres investisseurs son modèle financier, avec des engagements fermes, n’est-ce pas la meilleure manière de tuer un projet dont elle est porteuse ? On se demande bien pourquoi une telle attitude qui, soit dit en passant, met en péril au moins 10000 emplois locaux.
Enfin, et c’est le moins que l’ont puisse dire, les experts miniers qui ont suivi Magassouba prétendre que « le Simandou va se développer avec ou sans Rio Tinto ou WCS », ont dû froncer les sourcils pour comprendre la logique d’un ministre qui se présente comme un « spécialiste qui a fait les mêmes choses ailleurs ». Où ? Serait-on tenté de lui demander.
Ce qui est sûr, c’est qu’il est impossible de faire basculer un projet minier d’une telle envergure en « zone litigieuse » et espérer avoir des candidats au développement d’un gisement aussi complexe que le Simandou, occupé par WCS au Nord (blocs 1 et 2) et Rio Tinto au Sud (blocs 3 et 4). Ce ne sont pas des manchots ! Ces compagnies disposent de conventions ratifiées par une assemblée nationale élue et ont été promulguées par un président élu. Vouloir remettre en cause, dans un contexte de transition, leurs droits miniers est une aventure qui pourrait coûter très cher à la Guinée dans n’importe quel tribunal arbitral.
Il est enfin important de souligner que la complexité de la mine du Simandou fait que dans le monde entier, il n’y a pas plus de 4 compagnies (Vale, Fortescue, Rio Tinto et BHP Billiton) avec les capacités techniques et financières de développer un tel mégaprojet. WCS a pu s’insérer dans ce lot car le consortium dispose de capacités financières qui lui ont permis d’acquérir les ingénieurs, cabinets spécialisés et autres personnes ressources d’expérience à même de piloter une telle ambition.
Bref, que Magassouba tente de défendre sa logique aventureuse est une chose normale. Mais qu’il prenne nos lanternes pour des vessies est une manière de se moquer de notre intelligence.
Alseny Bangoura
Ps : Le Code minier prévoit 15% d’actions gratuites dans les mines (et non pas dans les infrastructures) et cela a été bel et bien pris en compte dans les conventions signées.