Elhadj Mamadou Sylla, leader de l’UDG, actuel chef de file de l’opposittion
CONAKRY- C’est un pan de l’histoire récente de la Guinée, jusque-là, tenu secret que l’actuel chef de file de l’opposition vient de revisiter avec votre quotidien en ligne. Les tractations ayant conduit à la nomination de Lansana Kouyaté comme premier ministre au lendemain des grèves de 2007. Quel rôle Alpha Condé opposant d’alors a-t-il joué ? Qu’est-ce qui avait conduit au limogeage du leader du PEDN ?
Elhadj Mamadou Sylla, à l’époque président du Patronat guinéen, proche du feu Général Lansana Conté, révèle le rôle qu’il avait joué dans la nomination de Kouyaté.  Cet extrait est tiré d’une longue interview exclusive qui sera publiée ultérieurement sur Africaguinee.com.

AFRICAGUINEE.COM : Quel est le rôle que vous avez joué pour que Lansana Kouyaté soit nommé Premier ministre en 2007 ?

ELHADJ MAMADOU SYLLA : Bien sûr que j’ai joué beaucoup de rôles, c’est avec mon Bic (stylo) qu’on a signé le décret de Lansana Kouyaté. Il m’a appelé nuitamment. Ce jour-là, c’est Malick Sankon qui m’a appelé, j’étais assis avec le président Lansana Conté au bord du lac à Bouramaya. Vous savez que lors de la grève de 2007, on avait demandé qu’on nomme un Premier ministre chef du gouvernement. Le président étant fatigué, il fallait que le Premier ministre ait le plein pouvoir. Ibn Chambas et Ibrahima Baba Guida étaient venus ici. Le syndicat a choisi 5 personnes parmi lesquelles le président Conté devait choisir une pour la nommer premier ministre. Ils ont choisi 5 noms, mais en réalité c’était 4 personnes puisqu’ils ont mis le nom de Mohamed Béavogui deux fois. A l’époque, Laye Junior Condé était mon chargé de communication. C’est lui qui m’avait appelé pour me le dire. Après, Malick Sankon m’a appelé pendant que j’étais en train de manger avec le président. Vu que c’était un appel venant de l’extérieur, le président m’a autorisé de décrocher l’appel. Au bout fil, il m’a dit que parmi les choix du syndicat que lui ne connaissait que Lansana Kouyaté. A l’époque Malick était logé dans ma maison aux Almadies à Dakar parce qu’il avait fait un accident et sa femme en était morte. J’étais avec lui nuit et jour. Quand il était parti au Sénégal pour se soigner, il était logé dans ma maison. Quand j’ai fini de parler avec Malick, le président m’a demandé qu’est-ce qu’il y avait. Je lui ai dit que les gens qui étaient au Palais, avaient choisi 5 personnes. Il m’a demandé qui sont ces personnes ? J’ai parlé de Komara, Saïdou Diallo, Lansana Kouyaté et Mohamed Béavogui qui avait été cité deux fois. Il m’a demandé qui je connaissais par eux tous. Je lui ai dit ‘‘président, tu sais qu’une fois, je t’avais parlé de Kouyaté’’.
Quand Kouyaté avait quitté la Cedeao, j’avais parlé de lui au président, mais qui m’avait dit certaines choses pourquoi il ne pouvait pas le nommer. J’ai dit ok. Ça a duré. Maintenant pour revenir en 2007, quand je lui ai rappelé cela, on était au lac. Le président m’a dit : « tu vois les palmiers situés à l’autre rive, c’est là-bas se trouve la maison de la maman de Kouyaté ». Vous savez que la mère de Kouyaté est soussou. A l’époque, en tant que président de la FOPAO, j’étais conseiller des chefs d’Etat de la Cedeao. Alors Ibn Chambas m’a appelé en me disant comme tu es ami avec le président, dis-lui qu’on lui a donné une semaine pour nommer le Premier ministre. On était dimanche. J’ai dit au président de tout faire pour descendre lundi à Conakry pour qu’on finisse cette affaire. J’ai dit qu’on ne va pas attendre une semaine puisque tant qu’on retarde, la pression va monter et finalement, tu ne sauras pas quoi faire. Le lendemain à 6h du matin, il m’a appelé. Il m’a demandé Sylla tu dors, je lui ai dit que je venais juste de terminer ma prière. Il m’a dit je suis au Km 36, j’arrive, tu me trouves au Palais. Entretemps, je me suis endormi. Quand je suis arrivé à la présidence, j’ai trouvé que le président s’est, lui aussi, endormi parce qu’il avait quitté la nuit tard. Ce jour-là, il y avait une concurrence entre les prétendants au poste de Premier ministre. Hadja Asmaou est venue, on lui a dit que son mari dormait. Colonel Issiagha était le planton. Tout ce que je dis-là est très profond. Elle a dit à celui-ci, certainement Elhadj Sylla va venir ici, mais fais tout pour ne pas qu’il voit mon mari parce que tout ce qu’il lui dira c’est ce que le président prendra en compte. Colonel Issiagha lui a répondu : ‘‘Hadja, ton mari est ami à Elhadj Sylla et tu veux empêcher qu’il vienne. Je ne peux pas dire ça puisque le président peut dire tout suite ‘‘allons-y chez Sylla, je vais manger là-bas. Ton mari va chez lui, comment, moi, je peux l’empêcher de venir ici ». Quand je suis arrivé au Palais, j’ai attendu un peu et quand le président s’est réveillé, on s’est vu.

(…) Mais déjà dans la nuit du dimanche, Malick Sankon avait appelé Kouyaté pour lui dire de m’appeler et que c’était moi seul qui pouvais intercéder en sa faveur. Kouyaté m’a appelé nuitamment. La preuve : Le ministre Alpha Ibrahima Keira est mon témoin. Il était secrétaire général à la présidence. Je m’étais battu pour qu’eux tous, Sam Mamadou, Aicha Conté « rebelle », la fille adoptive du président, soient nommés. C’est comme si j’étais leur mentor. Je les ai appelés et leur arrivée avait coïncidé à l’appel de Kouyaté. Au téléphone, il m’a dit : « mon frère, il faut tout faire pour m’aider parce que quand je viens je vais régler ton problème avec le syndicat en promettant de prendre un avocat pour moi ». Je lui avais dit que moi, je pouvais me défendre, mais quand tu viens, il faut que tu respectes le président parce qu’il est malade et âgé. Nous c’est notre ami.  Je lui avais dit que s’il prendrait cet engagement, pour le reste ‘‘ne fais rien pour moi’’. Il avait pris l’engagement. Mais, je l’avais prévenu que s’il ne respectait pas son engagement, il partirait comme il était venu. J’ai passé le téléphone à Keira, ils ont parlé. Keira lui a dit qu’il voulait devenir ministre des Affaires étrangères et Kouyaté avait promis de le nommer à ce poste. Il ne l’a jamais fait. J’ai passé le téléphone à Aïcha à qui il avait tenu des promesses aussi.

Quand j’ai repris le téléphone, j’ai dit à Kouyaté : « frère est-ce que tu pourras faire ça pour moi ? » Il m’a répondu « OUI ».  Je lui ai dit que je ferais tout pour que son décret soit publié le lendemain lundi. J’ai dit à Keira d’aller préparer le projet de décret. Le décret a été fait en dehors même de la présidence. Le lendemain, Keira est venu avec le projet de décret qu’il dans une enveloppe qu’il m’a remise. Lui, Aicha et moi, nous sommes entrés chez le président. J’ai remis le projet de décret au président, il l’a lu et déposé. Il a commencé à fumer. Alors que nous, on était en train de le convaincre de prendre Kouyaté, d’un trait dans une blague, il a pris mon stylo tout de suite et s’est mis à signer. Le président m’a demandé si j’avais le numéro de Kouyaté qui, heureusement, m’avait appelé la veille la nuit. Je l’ai appelé et il a dit qu’il était à Abidjan. Le président lui a dit qu’il vient de signer ton décret te nommant comme Premier ministre. Il lui a demandé de venir le jour même pour prendre service afin qu’il puisse aller se reposer à Bouramaya. Kouyaté a demandé au président de le laisser jusqu’à mardi le lendemain. Dès que je suis sorti de la présidence, j’ai appelé Kouyaté qui m’a demandé si j’avais vu le papier du décret. J’ai lui répondu que c’est avec mon bic que le président a signé le décret et c’est nous qui avons préparé le projet de décret. C’est ainsi qu’on a appelé Thiam qui était chef protocole qui était un proche de Hadja Asmaou qui voulait que Mohamed Beavogui soit Premier ministre. Quand je lui ai dit de venir prendre le décret, il m’a demandé est ce que c’est signé. J’ai répondu oui. Il a demandé c’est Bea ? J’ai dit Non ce n’est celui-ci. C’est là qu’on a fait erreur parce qu’il avait, par après, appelé Kouyaté pour s’en attribuer notre travail. Le gars a oublié tout le chemin qu’on a fait, il commence à croire automatiquement à l’autre. C’est là que j’ai compris qu’on ne pouvait pas faire du chemin avec lui.
(…) D’abord, le lundi matin avant qu’on ne signe le décret, j’étais parti dans mon bureau au siège du patronat avec Salifou Camara Super V. C’est ce jour-là, j’ai parlé avec Pr Alpha Condé, pour la première fois. Il avait appelé Salifou pour lui dire qu’il a tout fait, mais qu’il ne savait pas comment avoir Elhadj Mamadou Sylla. Il lui a dit qu’il ne connaît pas mon numéro et qu’on n’en avait jamais parlé. Il a dit à Super V de me demander de les aider, de faire tout pour que Kouyaté soit nommé. C’est pourquoi, souvent, il demande aux gens de me demander si ce n’est pas lui qui m’a appelé pour que Kouyaté soit nommé. Mais, il y avait déjà les démarches qu’on avait faites la nuit. Super V m’a passé le téléphone. J’ai remarqué qu’il ne m’avait même salué, il a commencé tout de suite à parler alors qu’on ne se connait pas. J’ai dit mais ce n’est pas africain ça, on ne s’est même pas salué, il commence à parler. Après, il m’a dit, on ne se connait pas, mais on va se voir après et que le problème actuel était de tout faire pour que Kouyaté soit Premier ministre. Il a reconnu que c’est seul à cet instant qui le peut. Je lui ai dit qu’on verra ce qu’on peut faire. C’était vers 11 heures. A 15 heures, le décret a été signé. Quand on avait informé Kouyaté, il m’a dit qu’il allait envoyer son oncle pour écouter le décret avec moi à ma résidence. A 19 heures, le décret a été lu, ce n’était même pas au journal du 20h 30′.
Mais avant ça, Kouyaté était tellement pressé qu’il avait commencé à appeler Alpha et les autres pour dire qu’il est nommé Premier ministre. Les gens lui demandaient même s’il était en bonne santé parce qu’on lui faisait remarquer qu’on a rien entendu à la radio ni à la télé. Il leur disait que le décret a été signé, il a parlé avec moi etc (…). Il s’est préparé, il a trouvé un vol privé pour venir. Il m’avait promis dès qu’il arriverait à l’aéroport, le lendemain mardi, il viendrait directement chez moi. Je ne l’avais vu que 6 mois après. Six mois après, quand il était menacé, il est venu me voir. Il m’avait dit ‘‘tu peux faire quelque chose et le défaire encore ? » J’ai dit je le ferai. Je lui ai répondu que je l’avais prévenu dès le départ que s’il ne respectait pas son engagement ce qui allait advenir. A un moment donné, il a voulu même m’arrêter. Je me suis battu pour qu’il parte et il est parti. Il avait dit que s’il part, toute la Guinée va se soulever. Je lui ai répondu qu’il va partir, et même un poussin ne va se remuer de son poulailler. Il m’a rétorqué, c’est ce qu’on verra. J’ai dit d’accord. En fait, on a croisé le fer. On l’a enlevé, rien ne s’est passé. On a aidé Ahmed Tidiane Souaré pour qu’il vienne à sa place. Kouyaté a refusé de faire la passation de service. Il était resté chez lui à Matoto. Souaré a pris service en l’absence de Kouyaté, terminé. Voilà l’histoire.
A suivre…
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