A l’initiative de l’Ambassade des États-Unis à Conakry(Guinée), une vingtaine de journalistes venus de la presse publique et privée ont pris part ce jeudi 9 février 2023, à une rencontre d’échanges sur le thème » la loi sur la cybercriminalité et son application en Guinée. Comment éviter le piège? Exemples de cas pratiques »
Cette rencontre qui a réuni les hommes de médias dans la bibliothèque Thurgood Marshall dudit Ambassade avait pour conférencier le juge Mohamed Diawara, Président de l’Association des Magistrats de Guinée(AMG) et la modération a été assurée par Mouctar Bah, journaliste et correspondants de RFI en Guinée.
Durant deux heures d’horloge, le juge Diawara qui est un spécialiste des questions liées aux infractions économiques et financières a rappelé aux hommes de médias les types d’infractions commises par voie cybernétique, les réseaux et systèmes informatiques, le champ d’application et les peines prévues comme sanction.
Selon lui, la loi sur la Cybercriminalité concerne les infractions pénales commises via les réseaux informatiques, notamment, sur le réseau internet.
Elle recouvre deux grandes catégories d’infractions:
les infractions directement liées aux technologies de l’information et de la communication (les différentes formes de piratage informatique, les atteintes à la sécurité des moyens de paiement sur internet…).
Les infractions dont la commission a été facilitée ou liée à l’utilisation de ces technologies (diffusion de contenus illicites, infractions contre les biens, contrefaçon, atteintes à la dignité et à l’honneur des personnes…).
La cybercriminalité trouve son fondement juridique dans la loi intitulée Loi N° 2016/037/AN du 26 juin 2016 relative à la cyber-sécurité et la protection des données à caractère personnel en République de Guinée.
Cette loi est composée de deux (2) parties :
la partie relative à la cyber-sécurité, composée de 109 articles
la partie relative à la protection des données à caractère personnel, composée de 65 articles).
Mais, conformément au contenu du thème, il n’a été abordé que l’objet de la loi sur la cybercriminalité, son application en République de Guinée et la solution appropriée en vue d’éviter tout piège et cumulativement, quelques exemples de cas pratiques ont été donnés, notamment, ceux concernant des activistes, artistes, journalistes, politiques, blogueurs……
En ce qui concerne l’objet de la loi sur la cybercriminalité, Monsieur Mohamed Diawara, le Président de l’Association des Magistrats de Guinée (AMG) a tenu à précisé que la loi 037 vise à définir les règles et mécanismes visant à lutter contre la cybercriminalité et créer ainsi un environnement favorable, propice et sécuritaire dans le cyber-espace.
Il a également précisé qu’elle permet à la République de Guinée de se conformer à ses engagements communautaires internationaux (avec la CEDEAO, l’Union africaine et l’Union internationale des télécommunications) en matière de cyber-sécurité.
En ce qui concerne son champ d’application en République de Guinée, la magistrat a fait savoir que l’animateur a indiqué deux points :
les infractions relatives à la cybercriminalité commises sur le territoire de la République de Guinée.
Les infractions pénales dont la constatation sur territoire guinéen requiert la collecte d’une preuve électronique et ce, quels que soient les auteurs des infractions, qu’il s’agisse de personnes physiques (guinéens ou étrangers) ou de personnes morales (à l’exception de l’Etat, des collectivités locales ou décentralisées, des établissements, des institutions ou administrations publics), dès lors que ces personnes se trouvent, exercent, ou évoluent sur le territoire national.
Cependant, il précise que l’exception concernant l’Etat, les collectivités locales ou décentralisées, les établissements ou administrations publics, ne portent que sur la personne morale, et ne fait d’aucune manière, obstacle à l’application des dispositions de la présente loi aux agents de cette personne morale, qui commettraient des cyber-infractions.
En outre, il rappelle que la responsabilité pénale des personnes morales (les sociétés d’assurance, les banques primaires…) sujettes à l’application de la loi sur la cybercriminalité, n’exclut pas celle de leurs dirigeants ou représentants-personnes physiques, en cas de commission de l’une quelconque des infractions prévues par ladite loi.
Monsieur le président Mohamed Diawara a enfin trouvé utile de préciser qu’en matière de cybercriminalité, la jurisprudence admet la compétence des juridictions d’un pays lorsque l’infraction commise à l’étranger a développé ses effets dans ledit pays.
Qu’on peut donc affirmer qu’en la matière, la localisation des serveurs à partir desquels sont diffusés les éléments susceptibles de constituer des infractions est sans incidence sur la compétence des juridictions dès lors que les infractions sont accessibles partout.
La loi 037 est applicable à quiconque s’est rendu coupable sur le territoire guinéen, comme complice, d’un crime ou d’un délit commis à l’étranger si ce crime est puni à la fois par la loi guinéenne et par la loi étrangère…, ajoutait-il, avant d’inviter les participants à éviter le piège en faisant attention aux messages et informations qu’ils reçoivent.
En conséquence, il a invité chacun à faire vérifier ces informations et messages avant toute diffusion, et/ou tout partage…car chaque personne peut soit consciemment, soit inconsciemment, être auteur ou victime des faits de cybercriminalité, rappelait-il.
Que conformément aux articles 31 et 32 de la loi 037, la production, la diffusion, la mise à disposition d’autrui des données de nature à troubler l’ordre ou la sécurité publics ou à porter atteinte à la dignité humaine par le biais d’un système informatique, se rend coupable de délit, et sera puni d’un emprisonnement de six (6) mois à cinq (5) ans et d’une amende de 20.000.000 à 300.000.000 de francs guinéens.
Cette peine pourra être aggravée en fonction de l’ampleur de l’infraction et du préjudice causé. Toute personne complice sera punie des mêmes peines.
Comme pour dire, que les personnes qui font des publications incriminées sur les réseaux sociaux, Facebook notamment, et celles qui facilitent ou partagent lesdites publications, encourent les mêmes peines.
En définitive, le président Mohamed Diawara a déclaré qu’il n’est nullement à ignorer qu’à date, le développement d’internet continue à accroitre le cyber crime, à tel point que le terme cyber est associé à toute sorte de délinquance: cyber fraude, cyber douane, cyber pédophilie, cyber terrorisme….
Selon lui, il est utile de se prémunir davantage contre cette menace en améliorant non seulement le contenu de la loi 037 (tenir compte des nouvelles exigences) mais aussi mettre un accent particulier sur la spécialisation des magistrats et professionnels des Cours et tribunaux et, ce, afin de faciliter le traitement rapide et efficace des dossiers.
Daouda Yansané