Dans l’affaire Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976, la Cou européenne des droits de l’homme a considéré que : « la liberté d’expression vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveurs ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population ». (Raisonnement substantiellement repris devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, dans l’affaire Ayants droit de feus Norbert Zongo (…) et Mouvement Burkinabé des droits de l’homme et des peuples c. Burkina Faso (réparations) (2015) 1 RJCA 265,

Les principaux éléments constitutifs de la liberté d’expression : Liberté d’opinion et la Liberté d’information. La liberté de la presse et la liberté des médias relèvent ainsi de la liberté d’information.

Quelles sont ainsi les formes de manifestation et les limites (généralement fixées) de la liberté d’expression ?

I. LES FORMES DE MANIFESTATION DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION
:
➢ L’expression humoristique
➢ La création culturelle (littéraire et artistique etc.)
➢ L’expression politique
➢ L’expression citoyenne
➢ L’expression syndicale
➢ L’expression des professionnels de la justice
➢ L’expression journaliste
➢ L’expression scientifique
(BENEDEK Wolfgang, KETTEMANN Mathias C., Liberté d’expression et internet, Conseil de l’Europe, 2014, p. 3).

II. LES LIMITES GENERALEMENT FIXEES

Les motifs de limitation de la liberté d’expression peuvent tenir à :

a) La lutte contre des propos interdits par la loi : l’incitation à la haine raciale, ethnique ou religieuse, l’apologie de crimes de guerre ou du terrorisme, les propos discriminatoires à raison d’orientations sexuelles ou d’un handicap, l’incitation à l’usage de produits stupéfiants, le négationnisme.

b) La protection des mineurs contre les dangers d’internet, telle que la pornographie ;

c) L’Encadrement des jeux de hasard en ligne,

d) La Protection de la propriété intellectuelle,

e) La Prévention et la réponse aux menaces de sécurité réseau ;

f) Le fonctionnement de la justice ;

g) La protection de la santé et de la moralité publique ;

h) La protection de la vie privée et au droit à l’image d’autrui ;

(Rapport Amnesty International 2017/2018 sur la situation des droits humains dans le monde, p. 101).

A titre d’exemples,

1. sur les limites tenant à la réputation et des droits d’autrui concernant les personnes politiques,

Dans l’affaire LINGENS c. Autriche, (Affaire Lingens c./Autriche, 8 juillet 1986, § 42, série A n°103), la CEDH à considéré que « les limites de la critique admissible sont plus large à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier : à la différence du second, le premier s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens ; il doit, par conséquent, montrer une plus grande tolérance » . Sur cet aspect, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples s’était prononcé sur la question de la proportionnalité dans l’affaire (Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso, du 5 décembre 2014).

En ce sens, dans l’affaire Lindon, Otchakovsky-Laurens et July c/ France, 22 octobre 2007, qui mettait en cause Jean-Marie Le Pen, la CEDH a rappelé que la liberté a ses limites, de sorte qu’assimiler l’homme politique en question à « un chef de bandes de tueurs » excédait les limites admissibles. La Cour a considéré que quelque soit la vigueur des luttes politiques, il est légitime de vouloir leur conserver un minimum de modération et de bienséance, ce d’autant plus que la réputation d’un politicien, fut-il controversé, doit bénéficier de la protection garantie par la Convention ». (BIGOT Christophe, La liberté d’expression en Europe. Regards sur douze ans de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (2006-2017), Legipresse, 2018, Paris, 184 p.).

2. Affaires en lien avec des journalistes

AFFAIRE NORBERT ZONGO (CAS BURKINABÈ DEVANT LA COUR AFRICAINE) :

Dans cette affaire, Ayants droit de feus NORBERT ZONGO (…) et Mouvement Burkinabé des droits de l’homme et des peuples c. Burkina Faso (réparations) (2015) 1 RJCA 265, la Cour a considéré que le Gouvernement avait violé le droit à la liberté d’expression en refusant d’enquêter sur l’affaire avec diligence et de poursuivre les responsables de ce crime. La Cour africaine a également conclu que le meurtre d’un journaliste était une méthode d’intimidation qui ne devrait être autorisée nulle part .

AFFAIRE LOHÉ ISSA KONATÉ

Le journaliste Lohé Issa Konaté fut condamné 12 mois d’emprisonnement pour avoir publié trois articles sur les allégations de corruption. La Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, saisie de cette affaire, (Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso, du 5 décembre 2014), engageant la responsabilité de l’Etat, a estimé que les peines prononcées par les juridictions internes étaient disproportionnées par rapport à l’objectif visé par la législation nationale. La Cour a ainsi considéré que l’État s’était rendu responsable de la violation des dispositions de la Charte et du Traité révisé portant création de la CEDEAO. La Cour a donc ordonné à l’État de modifier sa législation en conséquence.

CAS GAMBIEN DEVANT LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO :

L’assassinat, le 16 décembre 2004, dans sa voiture, de Deyda Hydara (fondateur du Journal indépendant The point et Syndicat de la presse gambienne, très critique à l’égard du régime de Yaya Djamé et très connu pour son plaidoyer contre les restrictions législatives à la liberté d’expression. Après l’assassinat de Deyda Hydara, l’Etat a ouvert une enquête qui a été clôturée en moins d’un mois. Aucune arrestation n’a eu lieu et personne n’a été tenu responsable de l’assassinat.

En 2014, la Cour de justice de la CEDEAO a estimé que le gouvernement n’avait pas convenablement enquêté sur l’assassinat de Hydara et a donc ordonné au gouvernement gambien de régler la somme de 50 000 USD à la famille de ce dernier. Deux autres victimes de violations similaires des droits de l’homme, ou les membres de la famille survivant, ont présenté leurs cas à la CEDEAO.

Jean Paul KOTEMBEDOUNO (KO-TÈM-BÈ-DOU-NO)

Membre du CNT
Rapporteur de la commission Lois, Constitution, Administration générale, Organisation judiciaire