Il fait partie des modèles de réussite pour la jeunesse guinéenne. Pourtant avant d’y arriver, conscient d’énormes défis qui l’attendaient, le jeune Younoussa Sylla n’avait pas hésité d’un seul instant pour se plonger dans l’entrepreneuriat agricole.

Il y a deux ans, ce journaliste de profession et novice dans l’agriculture a fondé une entreprise agricole appelée « Agrumes Guinée » et s’est lancé dans la culture d’ananas à Mafèrinyah, dans la préfecture de Forécariah. Il a dû faire face aux innombrables obstacles pour réussir son projet. Cette semaine, Verite224.com l’a rencontré. Il a accepté de répondre à nos questions. Lisez l’entretien.

Verite224.com : vous vous êtes lancé dans la production d’ananas, étant journaliste professionnel, dites-vous comment l’idée d’entreprendre dans l’agriculture vous est venue ?

Younoussa Sylla : merci pour la question. D’abord je rappelle que je suis né dans une famille où l’agriculture est la principale activité, notamment la culture de riz. Je suis originaire de Kaback, une localité d’ailleurs que tout le monde connait, qui est réputée pour la culture des produits tels que le riz, le gombo, la pastèque, les produits halieutiques et bien d’autres. Donc pour la petite histoire, pendant les vacances ou les petits congés, à mon enfance, je partais souvent aider mes parents à  travailler dans les champs, à la plantation tout comme à la récolte. Donc c’est au fur et à mesure que je me suis familiarisé avec l’activité de la terre. Mais avec les études à l’époque je ne pouvais pas en faire une activité principale comme mes parents d’ailleurs, étant donné que j’étais encore plus jeune. Et donc étant quelqu’un qui a passé presque une bonne partie de son enfance en milieu rural, entre deux villages, je peux dire que l’agriculture n’est pas pour moi une simple passion, mais plutôt une coutume. En gros, voilà l’idée qui m’a poussé à aller vers l’activité agricole.

Comment vous avez réalisé votre projet agricole ?

En fait j’ai commencé mon projet agricole avec pleine d’ambition en février 2020. C’était à l’issue d’une formation que j’avais reçue à un moment donné avec une fondation nigériane qui s’appelle Fondation Tony Elumelu, dans le cadre de l’entreprenariat en général. Cette fondation nous a formés, puisque je n’étais pas le seul, j’étais avec d’autres jeunes guinéens, pendant 12 semaines, c’est-à-dire 3 mois, y compris le coaching. Le processus a pris une année avec toutes les démarches administratives y compris, de  Janvier à Décembre 2019. Donc après la formation, il fallait allouer à chaque candidat un petit fonds de démarrage de son activité à hauteur 5000 dollars par entreprise.  Donc j’ai passé cette formation avec ces autres guinéens où nous étions au nombre de 15 personnes à avoir bénéficié de ces fonds au niveau de la Guinée.  Mais chacun de nous était dans son secteur d’activité. Certains ont présenté leurs projets sur l’aviculture, d’autres la culture maraichère, la fabrication des pavés, l’huile de palm, la culture de gingembres etc. Mais tout était fait à la base d’une sélection avec plus de 3050 jeunes entrepreneurs venus des 54 pays africains. Donc nous avons été sélectionnés parmi ces gens. Alors quand j’ai obtenu ce fonds après la formation  je suis allé lancer le projet au village,  et vue que le projet portait sur la culture de l’ananas il fallait se lancer dans ça.  Mais  j’avoue que ça a été le parcours de combattant, comme vous pouvez l’imaginer d’ailleurs. Mais comme on aime le dire souvent : ‘’vouloir c’est pouvoir’’, c’est vraiment de la réalité.

Actuellement où en êtes-vous dans la réalisation de votre projet ?

Je suis en bonne voie. Je dirais que tout va bien. Car c’est un chemin qui est semé d’embuche mais on tient le coup. Dans la vie rien n’est facile. D’ailleurs tout ce qu’on obtient dans la facilité, partira dans la facilité. Parfois il faut vivre des difficultés pour réussir. On reconnait un vrai entrepreneur c’est lorsqu’il domine toutes les difficultés et il transforme ces difficultés en réussite. Donc pour moi, il n’y a pas d’échec dans la vie, il n’y a que des erreurs parfois qu’on peut corriger. Tout comme le hasard n’existe pas, vous le savez. Dans la vie il faut chercher dur pour l’avoir.
Donc pour revenir à la question, je dirais qu’actuellement j’ai plus de Cinq hectares de surface de terre qui ne sont encore aménagés par manque de moyen. Pour l’instant je n’ai aménagé que 1 hectare. Au début je n’avais pas un hectare, j’ai commencé avec une superficie où j’ai planté seulement 10.000 pieds d’ananas dont j’ai déjà fait la récolte récemment. Donc les revenus qui sont générés de là vont servir à la deuxième phase du projet.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées dans cette aventure ?

Oui c’est vrai. Comme pour dire que derrière tout résultat se cache au moins quelques difficultés. Effectivement, j’ai rencontré des difficultés. Mais la principale difficulté que j’ai rencontrée au début, c’était la non maitrise de la technique culturale de l’ananas. Donc cela m’a coûté cher à un moment, parce qu’il fallait être là permanemment auprès de la culture. Mais Dieu merci j’ai travaillé avec un monsieur qui connait bien la culture et qui évolue dedans, qui m’a beaucoup assisté dans le processus, surtout en matière d’utilisation des produits phytosanitaires et le reste. Donc depuis çà je sais  maintenant ce qu’il faut faire et il ce qu’il ne faut pas faire pour optimiser un bon résultat. Et j’espère que lors de la prochaine étape j’aurais moins de problème surtout avec le volet technique. Déjà j’ai fait la première récolte et cela m’a donné beaucoup d’expérience.
Aussi, l’autre difficulté que je peux signaler, c’est la maitrise de l’eau. Je peux dire que c’est la principale difficulté d’ailleurs, parce que jusque là je réfléchis pour voir comment remédier à cela. Donc c’est ça un peu.
Beaucoup de jeunes hésitent à entreprendre sous prétexte qu’ils n’ont pas le fonds nécessaire pour lancer un projet. Qu’est-ce que vous en dites ?
C’est vrai qu’en matière agricole, on ne peut pas se lancer sans avoir le minimum. Mais cela ne doit pas être un handicap ni une excuse pour un jeune qui veut se lancer dans l’agriculture.  Il y a des filières agricoles où on n’a pas besoins d’assez de moyens. Même avec 500 000 francs guinéens, on peut commencer avec ça. Il y a des détails aussi pour ça.  Donc il y a des filières telles que le piment, le gombo, l’aubergine, le concombre etc. rien qu’avec une petite superficie on peut commencer une culture pour faire un bon rendement, en tout cas si tu fais bien. Vous savez, entreprendre n’est jamais facile, c’est le courage. Il y a par exemple des  business en dehors même de l’agriculture qu’on peut lancer, qui demandent aussi peu d’argent, tels que le E-commerce, c’est-à-dire la venture des vêtements, des chaussures, des téléphones, l’alimentation etc. Donc je ne vois pas d’excuse pour quelqu’un qui veut réellement entreprendre dans quoique ce soit.  Il faut juste avoir la volonté et le minimum de financement.

Qu’est-ce que vous dites aux jeunes qui veulent entreprendre ?

Je dirais aux jeunes qui veulent entreprendre, de commencer maintenant, d’agir tout de suite, sans attendre, cela en fonction de leurs moyens. Je sais que ce n’est pas facile, surtout quand on manque de moyens, mais dès que tu as le minimum, il faut commencer, même si c’est dans l’élevage de poussin, il faut le faire. Par exemple si tu as 20 poussins, tu les élèves, au bout de 45 jours tu peux les revendre pour gagner le double de ton argent et ainsi de suite. Donc vouloir attendre, tu risques de te décourager. Mais quand tu commences avec le peu que tu as et que tu commences à générer un certain résultat, mon cher tu seras comme un catalyseur.

Votre mot de la fin.

D’abord, je commence mon mot de la fin par dire ceci : aujourd’hui l’humanité est menacée les guerres, les changements climatiques, les pandémies, dont les conséquences sont directement répercutées sur la vie l’Homme, à travers notamment la famine. C’est pourquoi aujourd’hui les denrées alimentaires céréalières deviennent de plus en plus chères. Donc je veux dire que l’activité agricole n’est pas à négliger, elle est notre chance. On doit travailler. On doit mettre les moyens à la disposition de ceux-là qui veulent travailler. Nous devons manquer tout sauf la nourriture. Pour remédier à cela, il faut produire suffisamment.
Aussi,  je lance un appel aux autorités guinéennes d’accompagner les jeunes à se lancer dans l’agriculture. Ne serait-ce que de créer des micros-fiances dans le secteur agricole pour assister les jeunes. Beaucoup veulent se lancer, mais ils manquent de moyens pour commencer. L’Etat ne peut pas embaucher tout le monde, mais il peut faciliter la création d’activités ou d’emplois. Aujourd’hui la Guinée a 13 millions de terre cultivable, je crois que chacun a sa place pour faire quelque chose.
Pour terminer, je remercie la Fondation Tony Elumelu (TEF) du Nigeria,  qui est la principale philanthropie africaine à s’engager dans l’autonomisation des jeunes entrepreneurs africains. Le PDG, Son Excellence Monsieur Tony Elumelu, le Fondateur est le seul richard africain qui donne un fonds à un jeune, il ne connait ni ton père ni ta mère, ni ta provenance. Il dit tiens va faire ce que tu veux, mais tu contribues au développement de l’économie du continent.  Donc depuis 2015, il fait ça. Et il va continuer à le faire parce que son programme s’étend sur dix ans. Je le remerciement du fond de cœur et je le rassure qu’il ne sera pas déçu quant à l’atteinte de l’objectif fixé en faveur de la croissance de l’économie du continent africain. Je vous remercie.

Entretien réalisé par Alpha Oumar Diallo