Le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) ne devrait pas oublier que l’allégresse publique et l’allégeance populaire dont il avait bénéficié le 05 septembre et après, n’étaient que temporaires et le résultat de leur action en ce jour fatidique.

Le CNRD et ses membres ne devraient donc pas oublier que ce n’est vraiment pas eux que le peuple aime ou acclame mais plutôt leurs actions. Par conséquent, des actions impopulaires peuvent susciter facilement l’inimitié et la colère des populations envers eux.

Si ce sont les conseillers du CNRD qui lui font croire que le peuple était fatigué des leaders des partis politiques, ils le trompent et le conduisent dans une erreur qui risque d’être fatale.

Ce qui est tout de même vrai, c’est qu’il y avait une grande partie du peuple qui était fatiguée des dirigeants de notre pays. Cette partie du peuple avait lutté à travers les partis politiques ou à travers la société civile pour exprimer son ras-le-bol. Il faudrait donc être conscient de cette distinction pour ne pas conduire la transition dans un bourbier et précipiter le pays vers le chaos.

Aujourd’hui, des actions tout azimut sans forme entreprises par le CNRD et son désir manifeste de prolonger la transition aussi longtemps que possible, sont en train de coaliser les adversaires d’hier contre lui. Certaines de ces actions qui mécontentent une grande partie de la population, combinées à la conjoncture économique actuelle avec un marché devenu de plus en plus cher, créent des conditions dangereuses pour le CNRD.

S’il est vrai qu’il y a des actions que seul un régime militaire peut mener à fond dans un pays comme le nôtre, telle que la lutte contre la corruption, il y a cependant d’autres actions qui ne servent qu’à prolonger le pouvoir de la junte et à créer de la frustration.

Le recensement général de la population par exemple, peut être fait par un régime démocratiquement élu. Le CNRD devrait plutôt œuvrer inlassablement à nous  produire un fichier électoral consensuel libre de toute corruption et de toute contestation. Même les assises nationales qui sont maintenant boycottées par les grands partis du pays, pouvaient être organisées par le prochain gouvernement démocratiquement élu. En Afrique du Sud, c’est le gouvernement de Nelson Mandela qui avait mis en place la Truth and Reconciliation Commission en 1995.

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La situation du Mali, ne devrait en aucun cas servir d’exemple au CNRD et l’inspirer à vouloir se pérenniser au pouvoir. Les conditions qui prévalaient au Mali et qui y ont conduit l’armée à la prise du pouvoir sont complètement différentes de celles qui primaient en Guinée à la veille du 5 septembre 2021. D’abord, le Mali était en guerre depuis plus d’une décennie et le Nord occupé par les rebelles, était complètement coupé du Sud. En plus, lorsque la junte prenait le pouvoir au Mali, il n’y avait plus une opposition politique forte face au régime d’IBK. Soumaila Cissé, le leader de l’opposition malienne, était dans les mains des rebelles et la révolte populaire était conduite par une société civile dirigée par des hommes qui en grande partie n’aspiraient pas à diriger le Mali. Même s’ils en avaient le désir, ils ne l’exprimaient pas ouvertement.

En Guinée cependant, malgré toutes les machinations d’Alpha Condé et sa détermination à décimer toute opposition politique et sociale, l’UFDG, l’UFR et le FNDC étaient restés intraitables dans leur détermination à délégitimer son pouvoir et de vouloir sa chute.

Le CNRD ne peut donc pas s’imposer indéfiniment contre la volonté populaire car il ne pourra absolument pas tenir longtemps face à une union entre l’UFDG, l’UFR et le FNDC. Maintenant que le RPG a rejoint le camp de ces trois, la situation devient de plus compliquée pour le CNRD. Il devrait donc chercher à faire avec eux que de faire tout sans eux ou contre eux car ils représentent une bonne partie du peuple.

Le CNRD n’est pas un parti politique. Malgré les agitations de certains de ses ouailles sur la place publique, il n’a pas de militants et n’a donc pas une base populaire sur laquelle il peut compter en cas de bras de fer avec les partis politiques. S’il est vrai qu’Alpha Condé, malgré qu’il fût devenu  a pu résister pendant longtemps face aux pressions de l’opposition, c’est parce qu’il disposait au moins, en plus des forces de défense et de sécurité, d’un parti politique avec des militants acquis à sa cause.  Il pouvait compter sur ceux-ci pour contrer dans une certaine mesure les mobilisations des partis de l’opposition et de la société civile.

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Quant au CNRD, il ne dispose aujourd’hui que de la force de ses armes pour s’imposer. Il est donc dans une situation plus précaire, plus fragile surtout qu’il est dans le viseur de la communauté internationale et la situation économique du pays ne milite pas en sa faveur.

Quoiqu’on veuille ou qu’on pense, les grands partis politiques de ce pays ont une grande partie du peuple derrière eux. Croire autrement, c’est se leurrer car ces partis peuvent donner du fil à retordre à la junte s’ils décident de mobiliser leurs militants pour confronter le CNRD. Il y a un peu plus de douze ans, Le CNDD avait commis la même erreur en croyant disposer d’un soutien populaire qui s’est prouvé illusoire le jour du 28 septembre 2009 et les jours qui ont suivi après.

D’ailleurs, qu’on me dise qu’est-ce que le CNRD gagnerait en créant de l’antagonisme entre lui et les partis politiques ? Cela fait maintenant un peu plus de 15 ans depuis que les crises politiques se suivent et se succèdent dans notre pays sans qu’on arrive à s’en sortir. Le CNRD a là une opportunité de mettre fin à ces crises structurelles, une bonne fois pour toute.

Il ne faut pas que le CNRD nous fasse oublier la leçon que tout le monde avait tiré du coup d’État du 5 septembre 2021. Cette leçon était que plus jamais un président guinéen n’essayerait de s’offrir un troisième mandat ou de mourir au pouvoir car Alpha Condé est le premier président guinéen à être déchu vivant.

En instiguant une nouvelle crise qui va nous faire regretter Alpha Condé, le CNRD aurait fait plus de mal à la Guinée et son coup d’État aurait été plus qu’inutile. Il aurait nuit au pays.

Il n’est pas encore tard pour redresser le tir. Le CNRD devrait tout faire afin de rester dans l’esprit des discours du colonel Mamady Doumbouya du 5 et du 6 septembre 2021. De ne pas répéter les erreurs du passé, de réunir les fils et filles de la Guinée dans un pays d’égalité, de justice et de démocratie où personne ne devrait mourir à cause de la politique ou pour sa conviction politique.

Abdoulaye Barry
ajbarry@live.com
Conakry, Guinée