Tout juste reconduit à la tête du Parti communiste chinois, Xi Jinping a choisi de marquer les esprits en effectuant son premier déplacement dans un lieu étroitement lié au fondateur du régime, Mao Tsé-toung.

Entouré de la nouvelle équipe dirigeante – six hommes tous vêtus de coupe-vent bleu marine assortis -, le président âgé de 69 ans s’est rendu ces derniers jours à Yan’an (nord), considéré comme le berceau du Parti communiste chinois (PCC).

Des analystes estiment que ce choix laisse présager de ce à quoi pourraient ressembler les cinq prochaines années au pouvoir de Xi Jinping.

« La visite à Yan’an a servi à marquer le parallèle (avec Mao) et l’absence d’opposition », estime le sinologue Manoj Kewalramani, de l’Institut Takshashila à Bengaluru, en Inde.

Xi Jinping a concentré et personnalisé le pouvoir plus que tout autre dirigeant depuis Mao Tsé-toung (1949-1976). Et l’homme fort de Pékin a décroché le 23 octobre un troisième mandat inédit à la tête du PCC.

Le nouveau Comité permanent du parti, qui représente le coeur du pouvoir en Chine, n’est désormais composé que de ses alliés, six hommes.

Au journal de la télévision d’Etat CCTV, un reportage de 16 minutes sur la visite à Yan’an était agrémenté de plusieurs portraits de Mao.

Parmi les moments forts de ce déplacement: une visite de l’ancienne résidence de Mao et de l’endroit où s’était tenue en 1945 une réunion cruciale du PCC qui l’avait confirmé comme président du parti.

A cette époque, la formation politique était confrontée à une guerre civile sanglante.

« L’un des signaux que Xi semble envoyer (…) est de se préparer pour des temps difficiles et pour le combat », estime le sinologue Bill Bishop dans sa lettre d’information spécialisée sur la Chine, Sinocism.

– « Période Yan’an » –

En 2012, le dirigeant avait emmené sa nouvelle équipe assister à une exposition sur la renaissance de la nation chinoise, à Pékin. En 2017, ils avaient visité l’endroit même où s’était tenu le premier congrès du PCC en 1921, dans une école de Shanghai.

« Les premiers voyages après chaque congrès du parti ont pour but de +rappeler la mission originelle+ », souligne le politologue Wen-Ti Sung, de l’Université nationale australienne.

Selon les médias d’Etat, Xi Jinping a assuré jeudi dernier que son nouveau comité permanent « hériterait et poursuivrait les belles traditions révolutionnaires formées par le parti pendant la période Yan’an ».

Niché dans les montagnes arides et reculées du nord de la Chine, Yan’an est un lieu sacré pour le PCC.

C’est là que des membres du parti s’étaient retranchés après la Longue Marche, une expédition épuisante à pied à travers le pays de 1934 à 1935 pour échapper aux troupes nationalistes pendant la guerre civile.

Seule une poignée de survivants est parvenue jusqu’à Yan’an. Mao et ses alliés – dont le père de Xi Jinping – ont vécu parmi les paysans, dans des caves, tandis qu’ils préparaient leur campagne militaire.

Depuis leur victoire, la « période Yan’an » est célébrée dans le parti comme un parfait exemple de sa capacité à résister aux adversités.

– « Héritier de la révolution » –

Le nom de Yan’an est aussi étroitement lié à Mao.

Plus de 10.000 personnes, dont des intellectuels et des artistes, ont été tuées lors d’une campagne de purge dite « rectification de Yan’an », destinée à renforcer le pouvoir du dirigeant.

Jeudi, Xi Jinping a assuré que « durant le mouvement de rectification de Yan’an, l’ensemble du parti s’est unifié sous la bannière de Mao Tsé-toung et est parvenu à une cohésion sans précédent », selon la télévision d’Etat.

Des déclarations qui font écho à la stricte discipline au sein du parti imposée depuis son arrivée au pouvoir en 2012, via notamment une redoutable campagne anti-corruption qui lui a permis d’écarter ses rivaux.

M. Xi se voit comme un « héritier de la révolution », estime le sinologue Alfred L. Chan, et il multiplie les références entre l’histoire du pays et son histoire personnelle, comme il l’a fait cette fois aussi à Yan’an.

Au plus fort de la Révolution culturelle (1966-1976), Xi Jinping, alors adolescent et dont le père était ostracisé par le régime, avait été envoyé au village de Liangjiahe. Il avait dormi dans des grottes et avait été choqué par la dureté du travail.

Loin d’en garder rancoeur, il cite souvent cette période de sa vie comme très formatrice, espérant en faire un exemple pour le parti.

« Xi veut revenir à un communisme orthodoxe en Chine, comme celui de Mao », assure Alfred Wu, expert en politique chinoise à l’Université nationale de Singapour.

AFP