Après trois semaine d’intenses plaidoiries, le verdict est attendu dans le procès de Derek Chauvin, l’ancien officier de police de Minneapolis accusé du meurtre de l’Afro-Américain George Floyd, mort asphyxié lors d’une interpellation policière l’an dernier.
Place aux délibérations dans l’affaire George Floyd. Le jury s’est retiré, lundi 19 avril, pour statuer sur la responsabilité de Derek Chauvin, ancien officier de police de Minneapolis, dans la mort du quadragénaire afro-américain, après une ultime journée au cours de laquelle accusation et défense ont exposé leurs arguments.
« Vous devez être absolument impartiaux », leur a dit le juge Peter Cahill, qui les a invités à « examiner les preuves, les soupeser et appliquer la loi » au terme de ce procès hors-norme, scruté dans le monde entier.
Le policier blanc de 45 ans est jugé pour meurtre, homicide involontaire et violences volontaires ayant entraîné la mort de George Floyd, qu’il avait interpellé avec trois autres agents pour une infraction mineure. Pendant plus de neuf minutes, il avait maintenu son genou sur le cou du quadragénaire, qui était allongé sur le ventre, les mains menottées dans le dos. Son agonie, filmée en direct par des passants, a choqué le monde et suscité des manifestations d’une ampleur historique contre le racisme et les violences policières.
Derek Chauvin a plaidé non coupable des charges de meurtre, homicide involontaire et violences volontaires ayant entraîné la mort de George Floyd, pesant contre lui. Il encourt jusqu’à 40 ans de prison.
« C’était un meurtre, l’accusé est coupable des trois chefs d’accusation et il n’y a aucune excuse », a asséné le procureur Steve Schleicher, en conclusion de son réquisitoire, qui a duré plus d’une heure et demie. « Cette affaire est exactement ce à quoi vous avez pensé au départ, en regardant cette vidéo », a-t-il affirmé.
« George Floyd a supplié jusqu’à ce qu’il ne puisse plus parler », a-t-il dit. « Il fallait juste un peu de compassion et personne n’en a montré ce jour-là », a ajouté le procureur, fustigeant le policier demeuré impassible face aux supplications de sa victime et des passants. « L’accusé n’est pas jugé parce qu’il est policier » mais « il est jugé pour ce qu’il a fait », a souligné Steve Schleicher, estimant que Derek Chauvin avait « trahi son insigne ».
« Les policiers sont des êtres humains »
Mais pour son avocat, Derek Chauvin a agi de manière « raisonnable » lors de l’arrestation mouvementée du quadragénaire à l’imposant gabarit, le 25 mai 2020 à Minneapolis. L’accusation a échoué à apporter la preuve du contraire « au-delà du doute raisonnable, et Derek Chauvin doit par conséquent être déclaré non-coupable », a affirmé Eric Nelson après près de trois heures de plaidoirie.
Selon lui, George Floyd est décédé de la conjonction de problèmes cardiaques et de consommation de drogues — du fentanyl, un opiacé, et de la méthamphétamine, un stimulant — « dans le contexte » d’une immobilisation par la police, mais celle-ci n’a pas provoqué son décès, affirme-t-il.
« Les policiers sont des êtres humains et ils peuvent faire des erreurs dans des situations très stressantes », a-t-il admis, suggérant que « la frustration » bruyante des passants pouvait représenter une menace et avait détourné l’attention de Derek Chauvin du sort de George Floyd.
Le policier, en costume clair et chemise bleue, a suivi la plaidoirie sans porter de masque, semblant concentré sans manifester d’émotion.
Semer le doute
Derek Chauvin a refusé de témoigner, faisant usage du droit de tout accusé aux Etats-Unis de ne pas apporter de témoignage susceptible de l’incriminer. L’objectif d’Eric Nelson est de semer le doute dans l’esprit du jury, qui doit rendre un verdict unanime sur chacune des trois charges. L’ex-policier encourt jusqu’à 40 ans de prison.
Les condamnations de policiers pour meurtre sont très rares, les jurés ayant tendance à leur octroyer le bénéfice du doute. Si le jury ne parvient pas à se mettre d’accord sur l’ensemble des charges, le procès sera déclaré « nul ». Tout autre scénario qu’une condamnation inquiète les autorités locales.
Le procès se tient dans un climat de fortes tensions et de manifestations quotidiennes après la mort récente d’un jeune homme noir en périphérie de Minneapolis. Daunte Wright, un Afro-Américain âgé de 20 ans, a été tué par une policière blanche lors d’un banal contrôle routier dans la banlieue de cette grande ville du nord des Etats-Unis.
Minneapolis s’était déjà embrasée après la mort de George Floyd, et les commerces se sont de nouveau barricadés derrière des planches en bois. Plus de 400 personnes ont défilé lundi dans les rues de la ville pour demander la condamnation de Derek Chauvin, chantant « le monde observe, nous observons, faites ce qui est juste ». Marchant derrière une banderole réclamant « justice pour George Floyd », ils ont croisé sur leur chemin des soldats de la Garde nationale, les observant près de véhicules blindés.
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Tenue de camouflage, et fusil mitrailleur en bandoulière, ces militaires patrouillent depuis plusieurs semaines dans les rues de la ville, en marge de ce procès sous haute-tension. Rodney Floyd, l’un des frères de George, a fait part plus tôt dans la journée, de sa gratitude pour les messages de soutien « venus du monde entier » à sa famille, dont plusieurs membres ont suivi les débats depuis le 29 mars.
« J’espère que les jurés vont rendre le bon verdict », a dit à l’AFP Courtenay Carver, un travailleur social afro-américain de 56 ans. Janay Clanton, une habitante de Minneapolis, a expliqué qu’elle se préparait « au pire » si Derek Chauvin n’était pas reconnu coupable.
L’issue du procès aura aussi un impact sur celui des trois autres agents, qui doivent être jugés en août pour « complicité de meurtre ».
Avec AFP