La plupart de ces jeunes innocents, âgés de moins de 20 ans, ont été abattus lorsqu’ils manifestaient leur joie suite à l’annonce de la victoire du candidat de l’ANAD. Certains ont perdu la vie suite aux exactions qui leur ont été infligées par les forces de défense et de sécurité lors des expéditions punitives déployées dans la commune de Ratoma pour imposer par la force le hold-up électoral. Pourquoi tant de haine et de violences, pourquoi tant de sang versé, de vies perdues, de biens détruits, de libertés confisquées et de droits violés par ceux qui sont chargés d’assurer la sécurité des citoyens et de leurs biens ? Pourquoi ces assassinats extra-judiciaires ? Pourquoi ces blessures physiques et morales restent impunies ?

 

A quoi sert-il d’envoyer des missions dites de réconciliation dans les fiefs de l’Opposition lorsque tous ces crimes, toutes ces blessures sont ignorés et restent impunis ?

 

Et lorsque les autorités refusent aux victimes et à leurs ayant-droits leur compassion, le droit à la justice et à la réparation malgré les engagements maints fois pris à cet égard. -Lorsque je pense aux parents du petit Mamadou Midiaou Diallo, âgé de seulement trois ans, qui a été tué par balle le 21 octobre 2020 à Labé, je suis affligée. -Et que dire de Mariama Bah, âgée de 32 ans, tuée par balle le 14 mars 2018 alors qu’elle vendait des brochettes devant sa cour pour subvenir aux besoins de sa famille ? Elle laisse un veuf inconsolable et six orphelins en bas âge qui continuent de s’interroger. Jamais il n’a été question de justice pour elle. -Que dire de Marie-Jeanne Sidibé, réceptionniste dans un hôtel, tuée par balle le 21/07/2020 à Yattaya alors qu’elle regardait la télévision dans son salon ? Elle n’avait rien demandé. -Que dire de Aldiouma Diallo, ambulancier matraqué à mort par les FDS à Labé alors qu’il transportait les corps des victimes ? Le comble de l’inhumanité. Même dans un pays en guerre, on protège les ambulances, on les épargne à tout le moins. -Que dire de Mohamed Sylla, 17 ans, élève tué par balle à Wanindara ? Sa mère reste inconsolable. -Et que dire de la trentaine de victimes anonymes enterrées nuitamment dans la forêt du 1er mai à Nzérékoré dont les proches continuent désespérément d’attendre des nouvelles ? Comment peut-on affirmer que ce sont les proches des victimes qui refusent de bénéficier de la compassion des autorités et de la justice de la République ?

 

Militants et sympathisants, chers compatriotes,

 

Il y a exactement deux semaines, je me trouvai là, devant vous, à exhumer des souvenirs particulièrement douloureux renvoyant au massacre de Zoghota. Je vous parlais de l’indifférence et du mépris du gouvernement face à ces crimes odieux et au déni de justice à l’échelon national qui avait conduit à la saisine de la Cour de justice de la CEDEAO. Cette juridiction régionale avait établi la culpabilité de la Guinée dont les forces de sécurité ont été reconnues coupables d’assassinats, d’arrestations arbitraires et de torture des habitants de Zogota. Elle avait condamné l’État guinéen au payement de 4,56 milliards de francs guinéens, pour sa responsabilité dans ces tueries. Cette décision demeure à ce jour inappliquée. J’ai le regret de me tenir devant vous, aujourd’hui, pour vous parler de ZOGHOTA Bis. Il s’agit cette fois des évènements survenus à Foulata où les FDS ont réprimé dans le sang des femmes dont le seul crime était de demander le recrutement de leurs fils au sein de la Société Aurifère de Guinée (SAG). De la même manière que les paisibles populations de Zoghota demandaient le recrutement de leurs fils et dénonçaient la violation de leurs droits sociaux et environnementaux. BIS REPETITA. Tous ont été réprimés dans le sang. Est-ce qu’on avait besoin de tant de violences contre des femmes qui réclamaient pacifiquement de l’emploi pour leurs enfants et leurs maris ? Mamadi Foulata Camara, responsable de la jeunesse de Foulata confiait ceci à un journaliste de Guinée Matin, je cite : « Nous sommes tous en brousse maintenant. Les forces de l’ordre sont en train de violenter les citoyens. Ils brûlent nos maisons, tirent sur nos animaux. Aujourd’hui tout le village est en brousse. Il y a des femmes qui ont passé la nuit sur les arbres. C’est comme si nous étions en guerre. Tu ne peux pas imaginer les exactions que nous subissons aujourd’hui ». Ces faits démontrent que le seul langage que connait ce régime est celui de la force, de la violence, de la terreur et de l’intimidation. La seule solution envisageable réside dans la répression meurtrière. La seule réponse à apporter aux problèmes des Guinéens est la militarisation ! Vous réclamez pacifiquement de l’eau et de l’électricité, on vous arrose de gaz lacrymogènes et vous roue de coups de matraques ! Circulez y’a rien à voir ! Tout va bien ! Vous réclamez pour vos filles et fils des emplois tirés de l’exploitation des ressources minières de votre propre pays, on vous répond avec des tirs à balles réelles ! Circulez y’a rien à voir ! Vous osez élever la voix pour dénoncer la mauvaise gouvernance, le hold-up électoral, le troisième mandat, pire, vous toussez seulement, vous atterrissez manu militari à la maison d’arrêt centrale de Coronthie. Circulez y’a rien à voir ! Vous êtes handicapés et manifestez pour jouir de conditions de vies décentes, vous êtes déguerpis et vos biens détruits sinon emportés par les FDS, circulez y’a rien à voir, le pays est gouverné autrement ! Vive le « gouverner autrement », « Vive la prospérité partagée », « C’est la Guinée qui gagne », « Guinea is back », « nous sommes souverains et heureux » ! Et que sais-je encore ? Pendant combien de temps encore allons-nous continuer à pleurer nos morts et à soigner nos blessés ? À quand la fin du décompte macabre ? Pendant combien de temps encore les populations continueront-elles à souffrir de cette répression aveugle et sourde des FDS ? À quand la fin de cette série noire ? À quand la paix, la sécurité et la justice pour les familles des victimes plongées depuis dix ans dans un deuil interminable ? Auquel deuil s’ajoutent le mépris et le déni des autorités ? À quand ? Je vous remercie de votre attention.

 

Nadia Nahman