Lorsque dans la matinée du 5 septembre 2021, les forces de défense et de sécurité ont annoncé la fin du régime du RPG arc-en-ciel, c’est un tollé de joie et de soulagement qui a salué cette nouvelle. Le peuple de Guinée, dans sa majorité écrasante, saluait, non pas la chute d’un homme et d’un gouvernement, mais l’arrêt d’un système qui avait fini, en ces dernières heures, de l’étrangler, de l’humilier et de le narguer dans sa dignité, en bafouant les textes sacrés de sa Constitution.

L’affront constitutionnel de 2020 qui a permis au président Alpha Condé de s’adjuger un troisième mandat, contre toute logique des textes législatifs du moment, et cela sous le fallacieux et choquant slogan que << ce n’est pas un troisième mandat, mais le premier mandat d’une troisième République >> imaginaire, ne pouvait rester sans réaction. Les forces de défense et de sécurité ont donc choisi de stopper cette arrogance abjecte contre le peuple souverain de Guinée, et ouvrir une période transitoire dans la marche de notre pays.

Et qui dit « transition », dit passage dans une période politique exceptionnelle vers un retour à l’ordre constitutionnel normal. Un ordre constitutionnel nouveau qui, logiquement, posera l’équation de l’écriture et de l’adoption d’une nouvelle Constitution censée corriger les défaillances constatées dans la dernière et les précédentes. C’est ce rôle historique qui est confié, par l’article 37 de la Charte, au Conseil National de la Transition et ses 81 honorables Conseillers, fils et filles de Guinée, choisis par et dans toutes les composantes sociales de la nation.

Cette instance de représentation nationale tenant lieu d’organe législatif de la période transitoire est ainsi mandatée à mettre en textes de loi fondamentale, les préoccupations et les aspirations des laborieuses populations guinéennes. Et pour ce faire, le CNT a logiquement opté dès sa mise en place pour une méthodologie de concertation rapprochée des populations sur toute l’étendue du territoire nationale. Des semaines durant, les honorables Conseillers sont partis à l’écoute attentive de nos villes, villages et hameaux et au recueil méticuleux de toutes leurs préoccupations et espérances.

Cette étape terminée et ses acquis soigneusement enregistrés en lieu sûr, il est arrivé le temps pour le CNT de tourner le regard vers les perceptions académiques et les expériences à différentes étapes dans différents pays, pour une analyse plurielle de la démarche d’écriture d’une Constitution. C’est cela l’objet du symposium sur le constitutionnalisme, organisé les 21 et 22 février à l’hôtel Riviera de Kaloum.

La préoccupation fondamentale du CNT en organisant ce forum est non seulement de remonter l’historique des différentes Constitutions qui ont géré la Guinée, de son accession à l’indépendance en 1958 à nos jours, mais aussi et surtout, bénéficier de l’apport sémantique et de l’expérience pratique d’experts juristes, constitutionnalistes, sociologues… nationaux et internationaux, en vue de recueillir des éléments de culture et de langage pour l’écriture d’une Constitution. Le souci intime étant de trouver des mots justes et adéquats pour mieux nommer chacune des préoccupations et des aspirations de notre peuple, en vue de les traduire avec exactitude dans les textes législatifs à élaborer.

Toutefois, le Président de la transition, le Colonel Mamadi Doumbouya qui a présidé la cérémonie d’ouverture de cet atelier, a fixé des orientations claires à ce processus de rédaction de la nouvelle Constitution guinéenne : « Nous voulons élaborer une Constitution qui adresse les réalités guinéennes avec des solutions à la guinéenne. Il ne s’agira pas d’un copier-coller des Constitutions d’autres pays, compilés à la hâte pour être soumis au Référendum de notre peuple ».

Pour le Président de la Transition, on ne peut être plus clair. Il s’agit de se libérer enfin des œillères académiques, des complexes doctrinaux et des récitations mécaniques de citations stéréotypées pour produire des textes législatifs pratiques et pragmatiques qui regardent plus les hommes que les articles de loi.

La nouvelle Constitution guinéenne sera ainsi, comme le dit et le répète à chaque occasion Dr Dansa Kourouma, Président du CNT, « une Constitution qui ressemble et rassemble le peuple de Guinée ».

Ainsi qu’on le voit, cette volonté d’écriture d’une Constitution qui évitera désormais à la Guinée de connaître d’éventuelles perturbations politiques et sociales est clairement partagée et exprimée par les plus hautes autorités de cette transition. Cependant, les experts internationaux, panélistes à ce symposium sur le constitutionnalisme en Guinée ont donné des alertes dont il serait judicieux de tenir compte :

1- Le processus d’élaboration d’un texte constitutionnel exige du temps. La précipitation accouche de l’improvisation. Et l’improvisation produira toujours des textes fragiles et instables, susceptibles d’être remis en cause à chaque occasion.

2- La Constitution n’est pas une panacée ou une baguette magique qui viendrait formater le cerveau des guinéens pour les rendre automatiquement meilleurs et plus civiques qu’auparavant. La solidité d’une Constitution tient aux attitudes des citoyens envers les textes de loi. Seul le respect libre et responsable des textes par chaque citoyen pourra garantir le changement espéré à travers la production d’une nouvelle Constitution.

3- Il faut préciser qu’avant l’adoption d’une nouvelle Constitution, seules les structures de l’Etat pourraient organiser des scrutins, puisque la définition de l’organe de gestion des élections et sa mise en place ne pourraient être prévues et définies que par les textes organiques de la nouvelle Constitution.

En conclusion, nous retiendrons donc que les panels nous ont permis de recueillir de riches enseignements sur les éléments essentiels en lien avec les articulations des textes législatifs. Nous avons examiné entre autres le processus électoral, les partis politiques, les types d’organes de gestion des élections, le contentieux électoral, le processus démocratique, la situation du genre et des personnes vulnérables, le rôle des organisations de la société civile… bref, nous avons bénéficié d’une riche promenade intellectuelle dans les dédales de différentes expériences du processus démocratique et électoral dans divers pays, grâce à la remarquable prestation de chacun des experts internationaux invités. Nous avons surtout appris et tiré bien de leçons en revisitant l’historique des différentes et successives Constitutions que la Guinée a enregistrées de 1958 à nos jours. Certainement qu’au sortir de cette rencontre de deux jours, les honorables Conseillers nationaux auront été suffisamment outillés pour déclencher et mener des débats utiles et fructueux sur les questions constitutionnelles.

Terminée l’étape académique de notre démarche de production de la nouvelle Constitution, place désormais à la phase politique des échanges : le débat d’orientation constitutionnelle !

 

Cellule com CNT