Le président cubain a critiqué lundi la «politique d’asphyxie économique» des États-Unis ayant selon lui mené aux manifestations anti-pouvoir.
Le président cubain Miguel Diaz-Canel a rendu responsable lundi le gouvernement américain des manifestations historiques survenues la veille, via sa «politique d’asphyxie économique», tandis que Washington et l’Union européenne appellent au calme.
À la télévision, le dirigeant communiste a assuré que son gouvernement essaie d’«affronter et de vaincre» les difficultés face aux sanctions américaines, renforcées depuis le mandat du président américain Donald Trump (2017-2021). «Que cherchent-ils? Provoquer des troubles sociaux», mais aussi «le fameux changement de régime», a-t-il dénoncé.
Des accusations qualifiées de «grave erreur» par le secrétaire d’État américain Antony Blinken, ce qu’a contesté le chef de la diplomatie cubaine Bruno Rodriguez, fustigeant «le renforcement de la politique de siège économique en pleine pandémie». Le président américain Joe Biden a lui appelé «le régime cubain à entendre son peuple» et son «appel vibrant à la liberté», en se gardant de toute «violence» contre les manifestants.
Même ton du côté de l’Union européenne, dont le chef de la diplomatie Josep Borrell a demandé «aux autorités d’autoriser ces manifestations et d’écouter le mécontentement des manifestants».
Arrivé fin 2018 à Cuba, l’internet mobile, qui a permis dimanche la diffusion en direct d’une quarantaine de manifestations anti-gouvernement à travers l’île, restait coupé lundi soir. Les rues de La Havane étaient quant à elles sillonnées par la police et l’armée, ont constaté des journalistes de l’AFP, mais le calme était revenu après les échauffourées de la veille. Plusieurs dizaines de personnes, dont des journalistes indépendants cubains, ont été arrêtées et leurs proches se pressaient lundi aux abords des postes de police pour avoir des nouvelles.
Nouveaux heurts
En fin de journée, une manifestation d’une centaine de personnes a éclaté dans un quartier de La Havane, la Güinera, aux cris de «A bas le communisme» et «Patrie et vie» (du nom d’une chanson polémique), avant des heurts avec les forces de l’ordre qui ont arrêté au moins cinq personnes, ont constaté des journalistes de l’AFP.
«On sait qu’à Cuba, tout le monde est déchaîné, certains pour le gouvernement et d’autres contre, mais cela ne profite à personne», regrettait Dolores Gonzalez, femme au foyer de 57 ans habitant dans ce quartier pauvre, en regardant la rue jonchée de verre et de pierres.
Criant «Viva Cuba Libre», des milliers d’Américains d’origine cubaine sont eux descendus dans les rues de Miami et Washington en soutien aux manifestations historiques contre le régime cubain, dont ils espèrent qu’elles mèneront à sa chute.
Excédés par la crise économique qui a aggravé les pénuries d’aliments et de médicaments et poussé le gouvernement à couper l’électricité plusieurs heures par jour, des milliers de Cubains étaient sortis spontanément dimanche dans les rues de dizaines de villes et villages, aux cris de «Nous avons faim», «Liberté» et «A bas la dictature». Une mobilisation inédite à Cuba, où les seuls rassemblements autorisés sont généralement ceux du Parti communiste (PCC, unique).
C’était «incroyable», a déclaré à l’AFP Yudeiky Valverde, 39 ans, employée d’une école primaire. «Cela fait des années qu’il ne se passait pas quelque chose comme ça, depuis 1994» lors du «Maleconazo», quand des habitants avaient défilé sur le Malecon, le boulevard côtier de La Havane, contre la crise économique. Cette manifestation, calmée par l’intervention de Fidel Castro, s’était toutefois limitée à la capitale. Comme en 1994, «les gens sont énervés parce qu’il n’y a pas de nourriture, parce qu’il y a des problèmes».
Soutien de Maduro
Pour Uricel Alonso, étudiant en économie de 18 ans, «c’est vrai que les choses sont compliquées dans le pays, on le sait tous, mais ce n’était pas nécessaire de manifester». «Il faut que ça se calme», disait-il, satisfait que le président ait comparu à la télévision.
Grand soutien des autorités cubaines depuis l’époque soviétique, la Russie a mis en garde contre toute «ingérence étrangère (…) qui favoriserait la déstabilisation de la situation sur l’île».
Autre allié de poids, le président vénézuélien Nicolás Maduro a apporté son soutien à son homologue Miguel Diaz-Canel, «au peuple» et «au gouvernement révolutionnaire de Cuba».
Le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador a lui offert d’envoyer de l’aide humanitaire et rejeté toute approche «interventionniste», tandis que son homologue argentin, Alberto Fernandez, a exigé la levée de l’embargo et rejeté lui aussi une éventuelle intervention.
«Tout mon soutien et ma solidarité envers le peuple cubain, qui réclame courageusement la fin d’une dictature cruelle», a de son côté réagi le président brésilien Jair Bolsonaro.
Le renforcement de l’embargo américain, en vigueur depuis 1962, ainsi que l’absence de touristes due à la pandémie, ont plongé Cuba dans une profonde crise économique et généré un fort malaise social. Les manifestations sont par ailleurs survenues dans un contexte de forte hausse des cas de coronavirus sur l’île, avec au total 244’914 cas dont 1579 décès, pour 11,2 millions d’habitants. Une situation qui a poussé de nombreux Cubains à utiliser le mot-clé #SOSCuba sur les réseaux sociaux, pour demander qu’une aide humanitaire extérieure soit autorisée par le gouvernement.